ON NE COMBAT PAS LE COVID-19 EN S’ATTAQUANT AUX DROITS DÉMOCRATIQUES ET AUX ACQUIS SOCIAUX
Alors que l’épidémie de Coronavirus s’étend, les personnels hospitaliers sont confrontés au manque de lits de réanimation, de masques, de respirateurs, de personnels soignants… Pendant près d’un an, personnels hospitaliers et des EHPAD se sont mobilisés, ont fait grève contre la casse de l’hôpital public (au moins 4172 lits fermés sous Macron qui s’ajoutent aux précédents), pour réclamer les moyens de soigner dignement la population.
Aujourd’hui, saluer leur “héroïsme”, c’est satisfaire toutes leurs revendications, celles des Collectifs Inter-Urgences et Inter-Hôpitaux : augmentation immédiate du salaire de tous les personnels hospitaliers à hauteur de 500 euros nets mensuels, embauche massive, immédiate et pérenne de personnels soignants aux salaires revalorisés, arrêt de la fermeture de lits et réouverture de lits sur l’ensemble du territoire, fin immédiate de la tarification à l’acte (T2A), dépistage systématique de tous les soignants, et, aussi comme le demande notamment l’intersyndicale de l’Hôpital Édouard Herriot à Lyon : “déblocage du point d’indice, réquisition des usines en capacité d’accélérer la production de masques FFP2, tenue gants couvre tête et chaussures, gel.., des usines en capacité de fabriquer des respirateurs y compris si cela implique qu’elles modifient leurs chaînes de production”.
Face à l’urgence sanitaire, le gouvernement publie une loi d’urgence sanitaire, une loi scélérate qui s’en prend aux libertés démocratiques et au code du travail !
Or, loin de satisfaire ces exigences légitimes, le gouvernement répond par la loi d’urgence sanitaire votée le 22 mars (et 25 ordonnances) qui donne tous les droits aux préfets et aux employeurs pour remettre en cause jusqu’au 31/12/2020, le droit de réunion, de circulation et les règles du Code du travail, du statut de la Fonction publique : possibilité de faire exploser des règles de congés payés, de durée du travail (48h hebdomadaire, 12h par jour y compris la nuit, travail du dimanche…). S’agit-il ainsi de lutter contre l’épidémie ? Ou de faire payer aux travailleurs la crise économique - dont l’épidémie n’est que le facteur déclenchant ?
C’est inacceptable. Et dans l’enseignement, les attaques continuent : diminution des DHG, suppressions de postes, fermetures de classes… Blanquer et Vidal n’ont-ils pas comme objectif d’aller bien plus loin dans la mise en œuvre de la casse de l’Enseignement public, de l’Université, du métier et du statut ?
Quelle "continuité pédagogique" ?
Suite à la décision du 12 mars de fermer les établissements scolaires et les universités, le ministre de l’EN annonçait qu’une "continuité pédagogique" était mise en place. Le 15 mars, il a adressé un certain nombre de consignes dans une Lettre aux recteurs, consignes qui font suite à la circulaire ministérielle du 28/02/2020 [1] [2] [3] . Il indique notamment que "le télétravail doit être prioritairement utilisé". "Je ne veux qu’aucun élève ne reste au bord du chemin, qu’aucun retard ne se réalise.", déclarait Blanquer, le 13 mars, au micro de France Inter.
Depuis lors, c’est une pression monumentale qui s’exerce sur les personnels enseignants, ainsi que sur les élèves et leurs parents. Soumis à des injonctions contradictoires, aux bugs informatiques, à la surcharge de travail, à de multiples atteintes aux règles statutaires et aux textes règlementaires, les personnels enseignants travaillent malgré tout, avec les moyens dont ils disposent, en passant des heures à transformer leurs cours pour qu’ils soient accessibles à distance, et à se former sur le tas aux multiples outils informatiques qui leur sont proposés (ou imposés), sous la pression continuelle de l’institution.
Une aggravation inacceptable des inégalités
Mais ils sont de plus en plus confrontés à une rupture d’égalité qui s’accroît entre les élèves : difficultés d’accès aux outils numériques pour nombre d’entre eux (certaines familles disposent de plusieurs ordinateurs d’autres n’ont qu’un smartphone) ; inégalités face au manque d’espace pour travailler ; inégalités dans les soutiens familiaux... Nombre d’élèves sollicités sont "perdus", ne répondent pas. D’autres subissent les conséquences de la surexposition aux écrans : mal au dos, à la nuque. D’autres encore angoissent car ils sont "en retard"…
Les enseignants sont aussi confrontés au désarroi des parents, à celui des élèves, à leur angoisse face au travail que l’école continue à imposer, à distance, en confinement sanitaire : charge de travail trop lourde ; craintes pour le/les parents contraints d’aller travailler alors que l’épidémie s’étend ; familles entières confinées en appartement…
Et des interrogations se font jour : les notions de "pédagogie" et de "distance" sont-elles seulement compatibles, surtout lorsque cela se fait dans l’urgence ? Plus que jamais, il faut affirmer qu’il ne suffit pas d’avoir des supports imprimés ou sur écran pour enseigner et que la relation, dans la classe, entre l’enseignant et les élèves est essentielle.
La réalité, c’est que la "continuité pédagogique" promue par Blanquer est très variable selon la zone géographique et le milieu social où se trouvent enseignants et élèves.
Or, le ministre réaffirme que le calendrier de Parcoursup est maintenu (sans accompagnement pour les guider dans leurs motivations les effets inégalitaires seront décuplés.). Les examens seront maintenus (DNB, bac, bac pro…), selon un calendrier, des modalités à définir…
Cela signifie donc qu’il faudrait non seulement que les élèves "progressent dans leurs apprentissages", mais qu’ils "acquièrent" des connaissances nouvelles, celles définies dans les programmes.
Une profonde mise en cause des règles statutaires et du droit
Dans cette situation, les "règles générales de protection des données" (RGPD) ne sont pas respectées. Face aux innombrable bugs des outils numériques de l’EN (Espaces numériques de travail, logiciels et plateformes s’arrêtent, saturés par les milliers de connexions), la pression pour assurer à tout prix la continuité pédagogique amène à utiliser des plateformes privées qui tirent un juteux profit, leur livrant les données personnelles des élèves (souvent sans l’autorisation des parents).
Les règles du "télétravail" dans la Fonction publique sont totalement bafouées. Il ne peut se pratiquer au domicile que sur la base du volontariat, avec demande écrite de l’agent, au maximum trois jours par semaine. L’employeur doit prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice des fonctions en télétravail (coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils, ainsi que de la maintenance de ceux-ci) [4], [5]
Quant aux règles statutaires des personnels enseignants, elles sont aussi profondément mises en cause.
Ce qui se met en place, c’est un travail à distance avec une pression de l’institution qui s’exerce quotidiennement sur les collègues, et un renforcement des prérogatives des chefs d’établissement. Derrière l’affirmation de la nécessité de faire face à une situation de crise, ne s’agit-il pas d’un test grandeur nature pour imposer des logiques de fond ? Au final, tout laisse à penser que Blanquer et Macron tenteront d’utiliser "l’école numérique" pour aller encore plus loin dans la redéfinition du métier (préparée dans le cadre de la concertation sur la prétendue revalorisation des enseignants, en lien avec la réforme des retraites) avec son cortège de nouvelles suppressions de postes, une explosion des inégalités entre les élèves, la destruction du métier, de toutes les garanties statutaires.
Défense des revendications
Macron et son gouvernement multiplient les appels à l’union nationale et au dialogue social tout en s’attaquant aux libertés démocratiques et aux droits des salariés.
À l’inverse, tout doit être entrepris pour que se réalise l’unité des salariés et de leurs organisations syndicales (CGT, FO, FSU, Solidaires…) sur les exigences suivantes :
- Production du matériel indispensable (masques, combinaisons, gels, respirateurs, médicaments...), réquisition des entreprises pour la production massive de ce matériel et la livraison des tests de dépistage et de médicaments…
- Embauche massive de personnels avec augmentation des salaires,
- Réouverture immédiate des lits dans les hôpitaux pour les malades
Abrogation de la loi d’urgence sanitaire et des ordonnances liées : défense des libertés démocratiques défense des droits des salariés, droit de grève, droit de retrait, garantie des conditions de sécurité et maintien intégral du salaire.
Dans l’Enseignement, en particulier :
- Respect des vacances scolaires.
- Stop aux pressions sur les enseignants, les élèves et leurs parents. L’école s’est arrêtée le 13 mars, elle reprendra là où elle s’est arrêtée, assez d’inégalités entre les élèves.
- Pas d’examen en contrôle continu, pas d’examen pendant les vacances, modalités des examens adaptées au nombre de semaines de cours en classe.
Dans cette situation, des prises de positions d’équipes, d’écoles, d’établissement sont d’autant plus importantes que la résistance des personnels est amoindrie par les mesures de confinement.
La défense des revendications implique que les directions des organisations syndicales refusent toute "union nationale" et "dialogue social" avec Macron et son gouvernement.
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Photo tristement prémonitoire : manifestation des hospitaliers, 17 décembre 2019
- Lire le Communiqué intersyndical FO-CGT-SUD de l’Hôpital Edouard Herriot sur le blog Emancipation
- Ci-dessous, quelques règles de droits utiles : S’agissant des personnels de l’Éducation Nationale, ce droit est-il respecté ?
"Le télétravail entraîne la collecte croissante de données personnelles concernant les salariés, celles-ci pouvant notamment être utilisées à des fins de cybersurveillance par les employeurs. D’où l’importance d’un rappel du droit applicable à la protection des données personnelles des salariés". => lire la suite :
La surveillance des salariés en télétravail à l’heure du Covid-19. Par Olivier Proust et Sixtine Crouzet, Avocats