Classes de défense et de sécurité globale, cadets de la défense Non à la militarisation de l’éducation

En parallèle avec la mise en œuvre du SNU(Service national universel), le gouvernement déploie les classes de défense et de sécurité globales (CDSG) au collège (et dans certains lycées). Créées en 2005, les CDSG sont issues d’un partenariat entre le ministère de l’Éducation nationale et celui des Armées. Un nouveau protocole signé en 2021 [1] annonce leur extension ; et avec le plan « Ambition armées-jeunesse » (PAAJ) [2] , le ministère des Armées place le lien armées-jeunesse au cœur de ses priorités.

Le ministère des Armées réorganise les parcours jeunesse en les adaptant aux phases du SNU. L’ingérence de l’Armée ne cesse de croître alors que l’école manque cruellement de personnels (enseignants, infirmières, vie scolaire…), que les conditions d’études se dégradent, et le droit à l’enseignement gravement mis en cause (dans le Rhône, 800 élèves sortant de 3e n’avaient pas de place en LP à la rentrée ; en 2022, 1/3 des candidats n’avaient aucune proposition d’admission sur Parcoursup…). Voici quelques éléments sur deux dispositifs que les ministères de l’Éducation nationale et des Armées cherchent conjointement à développer. [3]

Classes de défense et de sécurité globale

Il existe différentes CDSG. Créées en 2005, intégrées au “Plan égalité des chances” de 2007, les CDSG visent d’abord le public des collèges classés REP et REP +, puis se généralisent avec le protocole de 2016, qui prévoit aussi la création de “lycées de la défense”.

Il s’agit pour l’essentiel de partenariats entre une classe de quatrième ou de troisième et une unité de l’armée (régiment de l’armée de terre, base aérienne ou navale, bâtiment de guerre...) ou de gendarmerie ou une ou un acteur de sécurité (police, pompiers, sécurité civile, douanes). Ces classes peuvent également concerner des lycées. Les élèves rencontrent plusieurs fois l’unité associée pour des moments mémoriels ou d’« d’immersions » : découverte de véhicules militaires, d’un atelier de réparation d’armes, séjour dans un régiment...

Il y a actuellement 500 classes concernées ce qui fait 12 500 élèves touchés par ces dispositifs et plus de 200 entités des armées. 20 % de ces classes sont dans l’éducation prioritaire. L’objectif est d’en doubler le nombre et de couvrir tout le territoire.

L’immense majorité des CDSG sont des « classes de défense », c’est-à-dire des « projets pédagogiques et éducatifs interdisciplinaires et pluriannuels » menés « en partenariat avec une entité militaire marraine », avec « des temps de rencontre et d’échanges avec des militaires menés tout au long de l’année », militaires qui « incarnent l’engagement et les valeurs citoyennes » (sic). Leur objectif est de « transmettre aux jeunes les repères, les savoirs et les valeurs dont ils ont besoin pour construire leur capacité d’engagement et de résilience. »

Il s’agit de « resserrer les liens armée-jeunesse » autour d’un projet pluridisciplinaire en s’ancrant dans les programmes, les enseignements pratiques et interdisciplinaires et les quatre parcours (citoyen, avenir, éducation artistique et culturelle, santé). [4]

Les CDSG deviennent une priorité du gouvernement : outre l’aspect formatage, elles développent l’attractivité des carrières militaires. Avec la mise en place du SNU, ce dispositif accentue la place de l’armée dans l’Éducation Nationale, d’autant que dans nombre des cas l’Armée offre des financements (alors que l’EN réduit de plus en plus les crédits d’enseignement).

Cadets de la Défense

Depuis 2008 il existe un dispositif qui s’adresse aux élèves de collège et aussi de lycée. Il s’agit cette fois d’accueillir dans le cadre d’un partenariat des élèves de 14 à 16 ans dans une unité militaire située à proximité d’un établissement. Les activités se déroulent hors temps scolaire. Elles sont encadrées par des militaires et des enseignants volontaires, s’étalent sur 14 demi-journées puis se terminent par un séjour de cinq jours de suite. Le dispositif est censé compléter l’enseignement de la défense et de l’EMC. Il s’intègre dans le “parcours avenir” des élèves et malgré de nettes différences, il n’est pas très éloigné dans son principe de celui des stages de cohésion mis en place avec le SNU.


Armée, histoire et mémoire

Le ministère des Armées a ouvert un site « Chemins de mémoire » pourvu d’une documentation abondante. Il entend s’ériger en pourvoyeur de l’enseignement de l’histoire et de la mémoire, confondant ostensiblement les deux termes et développant une vision ultra nationaliste de l’histoire. Ainsi, par exemple, dans la rubrique « Mémoire de la guerre de 1870-1871 », on trouve, sous l’intitulé « Articles historiques », différents articles, à la gloire de l’armée française. Dans un article sur l’Impact direct et conséquences profondes de la guerre de 1870, on a pour seule image de la Commune de Paris, celle du « rétablissement de l’ordre »  :

« Après les préliminaires de paix de février 1871, le peuple de Paris, qui a supporté un long et difficile siège depuis la mi-septembre, refuse de rendre les canons qui protègent la capitale. S’ensuit l’insurrection de la Commune qui tourne en guerre civile et qui s’achève en bain de sang (mars à mai 1871). Les esprits en sont durablement marqués. La République, qui a su conclure la paix et rétablir l’ordre, prend alors une pente conservatrice qui lui aliène les socialistes mais lui permet de rallier les masses rurales qui constituent alors la majorité des Français, même s’il lui faut encore une dizaine d’années pour s’imposer durablement dans les urnes ». [5]

Pas d'armée à l'école

Cette idée est répétée dans autre article glorifiant « les liens nouveaux et plus fort des Français avec le fait militaire » :

« L’armée, avant même d’être l’instrument d’une lointaine et encore improbable revanche, est conçue comme le réceptacle de valeurs oubliées par une société tenue elle-aussi pour coupable du déclin – obsession de ces années de "recueillement" – et de l’"apocalypse" de la Commune. Elle doit devenir la colonne vertébrale d’une société à rediscipliner, à "viriliser" et à régénérer  ».

Il s’agit donc là de la « mémoire officielle », celle de l’État, celle de l’armée.
Rappelons à ce propos la mobilisation des historiens contre la loi Chirac en 2005 et ce qu’ils avaient alors précisés sur la différence entre histoire et mémoire (ainsi que l’existence de « mémoires » différentes, par exemple, celle des combattants pour la libération de leur pays colonisé et celle des colonisateurs…).


Missions de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) : « L’ONaCVG est l’opérateur majeur de la politique mémorielle développée par le ministère des Armées au niveau national et sur l’ensemble du territoire. Les actions de l’Office visent ainsi à célébrer, partager, et transmettre la mémoire des conflits contemporains et les valeurs de la République, notamment en direction des jeunes générations. ». [6]

« Mémoire », « histoire » et « citoyenneté » relèvent de l’école et non de la tutelle des Armée !

"Selon Ouest-France, l’armée et la gendarmerie vont recruter 40000 jeunes en 2023. Les campagnes d’affiches peuplent l’espace public sur ce thème, et les « engagez-vous pour avoir un métier » font aussi partie de la bataille idéologique. On mesure combien celle-ci est ancrée dans une réalité matérielle, qui est celle d’une société à fort taux de chômage, à fort taux de précarité des jeunes et dans laquelle l’armée se présente désormais comme une institution de formation. Voilà un premier exemple qui me paraît relever typiquement de ce que vous appelez la bataille idéologique qui est assise sur une réalité sociale désastreuse".
(Claude Serfati, Contretemps)

Voir la liste des dispositifs liés à la Défense et à la Sécurité Nationale dans l’Académie de Lyon :

« Le SNES-FSU demande le retrait des programmes de toute éducation à la Défense. »  [7]

Cette ingérence de l’armée dans l’école est inacceptable, elle doit être dénoncée et combattue !

Image : Collectif national contre les accords Armée-Éducation