Face à l’offensive de Macron : défendre le statut national, le droit à l’enseignement pour tous

La CA académique su SNES de Lyon s’est tenue le 15 septembre. La discussion a porté sur les la situation à cette rentrée (manque de personnels, pacte, attaques sur la formation continue, AESH, non titulaires, retraités…

Les interventions d’Émancipation et la motion défendue ont cherché à resituer tous ces « mauvais coups » de l’été dans le contexte de l’attaque frontale annoncée par Macron contre le droit à l’enseignement de toute la jeunesse et contre le statut national de fonctionnaire. Tout en s’appuyant sur les enseignements de la mobilisation contre la loi sur les retraites.

On ne peut aujourd’hui dissocier les problèmes de rentrée dans l’Enseignement du projet global annoncé par Macron concernant l’Enseignement public et la Fonction publique.

Engager le fer contre les personnels enseignants, leur statut et leur métier et le statut national de la Fonction publique, telle est la tâche qu’il a fixée au gouvernement, aux ministres, à S. Guerini et G. Attal.

« Désétatiser », « territorialiser »

Cet été, Macron déclarait « l’école est devenue un sujet régalien » (Le Point 24/08/23) ; « L’éducation Nationale est un naufrage. Il va falloir se montrer radical. Il faut tout désétatiser ». (Le Figaro 8/07/2023). Ce faisant, il affirmait clairement qu’il entendait veiller à ce que l’orientation qu’il définissait soit effectivement mise en œuvre.

Le rapport Longuet (juin 2022), le rapport de la Cour des comptes 2023, la proposition de loi du Sénat(avril 2023) … « tous harcèlent ensemble le corps enseignant. (…) la privatisation de l’école semble inévitable », « la lame de fond est à l’œuvre ». Tel était le commentaire de F. Jarraud dans le Café pédagogique (10/07/23).

Tous, de façon concertée sont sur un même axe. Et les ministres Attal et Guerini, sont chargés de faire franchir un pas décisif à l’Enseignement public et à la Fonction publique : « desétatiser », « territorialiser ». Le doit aux études est ouvertement nié et le statut de fonctionnaire ouvertement attaqué.

De la maternelle à l’université, l’Enseignement public doit se soumettre étroitement aux besoins immédiats du secteur privé. Étudier devient un privilège.

FDL Charlotte Vinouze - Précarité

Des dizaines de milliers de jeunes n’ont eu aucune proposition d’admission sur Parcoursup (en 2022, c’est un tiers des candidats qui n’ont pas eu d’affectation), pour la première fois, le nombre d’étudiants dans l’Enseignement supérieur public diminue alors que le nombre d’inscriptions dans le privé augmente… (et 7% des logements CROUS sont réservés pour les JO !).

Dans le Rhône, à cette rentrée, ce sont 800 élèves sortant de 3e qui n’ont pas de place en Lycée professionnel. Quant aux élèves de STMG, nombreux sont ceux qui, faute de place dans leur lycée de secteur, devraient s’inscrire dans un établissement se situant à l’autre bout de l’agglomération.

Macron veut pousser les jeunes vers des formations professionnalisantes. Exploité comme apprentis ou stagiaires, afin d’acquérir des compétences selon les besoins des entreprises, chaque jeune doit être « responsable de son propre parcours » (ce qui dédouane l’États de toute responsabilité). Il s’agit d’en finir avec les garanties collectives, les diplômes, les conventions et statuts nationaux, en individualisant tous les droits.

Un nouveau projet de loi contre la Fonction publique

Le 1er septembre à l’IRA de Lyon, Guerini a annoncé une nouvelle loi, une grande réforme de la Fonction publique (du statut) : son projet de loi présenté fin 2023 sera discuté au Parlement début 2024.

Sous couvert d’une Fonction publique « plus attractive », « plus moderne », il s’agit de s’attaquer aux acquis statutaires sur les points suivants :

  • L’accès, c’est-à-dire recrutement sur concours ;
  • Le parcours (c’est-à-dire la carrière : individualiser, s’attaquer à l’ancienneté…) ;
  • Les « compétences »  : mise en cause de la qualification donnée par le concours au profit de l’acquisition de compétences individuelles et de leur mise à niveau tout au long de la carrière ;
  • La mobilité  : s’attaquer à la Fonction publique de carrière au profit d’une Fonction publique d’emploi, et de l’élargissement du recrutement sur contrat (pour Macron l’emploi à vie, c’est fini) ;
  • La rémunération  : « récompenser les compétences, le mérite, permettre davantage de mobilité » (Guerini, Public Sénat).

C’est donc une profonde mise en cause du statut général qui est annoncée avec la destruction de ses fondements mêmes. Macron avait promis un véritable « big-bang » de la fonction publique. Après la loi de 2019, qui a élargi le recrutement sur contrat, renforcé la part des primes, marginalisant le point d’indice, multiplié les dispositifs de « mobilité » contrainte…, il entend finir le travail, avancer vers la « société sans statut » voulue par Macron.

Dialogue social et violence : les outils du gouvernement

On l’a déjà vu : pour imposer sa réforme des retraites, Macron a combiné le « dialogue social » durant l’automne 2022, puis la violence contre les manifestants mobilisés qui, en avril-mai, ont mis ouvertement en cause sa légitimité, dénoncé le régime antidémocratique de la Ve République…

Macron et Guerini connaissent l’attachement des personnels à leurs garanties statutaires.

Comment éviter, voire désarmer une mobilisation d’ensemble des fonctionnaires dont les plus d’1 million de personnels enseignants sont la fraction la plus importante ? Le dialogue social est leur deuxième outil.

Après avoir relégitimé Macron et son gouvernement en répondant aux réunions bilatérales d’E. Borne les 16 et 17 mai, toutes les organisations syndicales de l’Intersyndicale ont participé, avec les organisations patronales, à la multilatérales du 12 juillet convoquée par E. Borne, réunion dans la quelle E. Borne a décliné sa feuille de route.

Alors qu’à cette rentrée, selon Les Échos, la cote de confiance de Macron a rechuté à 28%, les directions de l’intersyndicale sont toutes engagées dans un processus de « dialogue social » tous azimuts.

Les plans du gouvernement sont pourtant clairement exprimés : il s’agit d’une nouvelle et importante offensive contre nos droits, nos acquis, nos conditions de travail et de vie ; contre les droits et l’avenir de la jeunesse…

Concertations « Accès, Parcours et Rémunérations » (APR)

=> Dans la Fonction publique : le ministre Guerini prépare son projet de loi : il engage des concertations APR (Accès, Parcours et Rémunérations). Il s’agit de s’attaquer à des piliers du statut :

  • « Accès » ? Au recrutement sur concours garant d’une qualification pérenne, il oppose un recrutement « plus simple » (des pseudo concours ou le contrat) …
  • « Parcours » ? Contre la fonction publique de carrière qui permet une progression de carrière à l‘ancienneté, à la place d’une véritable revalorisation des grilles, il promeut l’individualisation, la mise en concurrence des personnels ;
  • « Rémunérations » ? Au point d’indice (pilier du statut), à une hausse conséquente, au rattrapage du pouvoir d’achat perdu, il oppose un « socle » minimum et des « accélérateurs » (primes individuelles et collectives), rémunération au mérite.

S. Guerini précise qu’il faut « rémunérer davantage l’agent qui fera plus, qui aura fait mieux » son travail ! E. Macron ayant annoncé vouloir « sanctionner celui qui ne le fait pas bien » !

=> Dans l’Enseignement, le « pacte », les « expérimentations » qui accroissent l’autonomie et à la contractualisation participent de ce projet global.

Le 13 septembre, G. Attal a ouvert la concertation avec les syndicats sur « l’attractivité du métier enseignant ». Trois thématiques seront discutées : la formation initiale et le recrutement ; le déroulement de carrière ; les conditions de travail.

  • Recrutement et formation ? Il n’est pas question d’un prérecrutèrent type IPES (élève fonctionnaire rémunéré) : ce qui est à l’ordre du jour, ce sont les « compétences » à la place de la qualification, l’enseignant étant responsable de valoriser ses compétences individuelles tout au long de son « parcours » professionnel, avec l’obligation de « formation » sur son temps personnel.
  • Accompagnement ? Attal parle de RH (le langage des patrons), d’accompagnement des « milieux de carrière » (de ceux qui ne veulent pas faire toute leur carrière dans l’EN, voire de ceux qu’on va « évaluer » et pousser vers la sortie : Macron ne veut plus d’emploi à vie).
  • Conditions de travail ? Attal parle de médecine de prévention (pas de médecins scolaires, infirmières et assistantes sociales scolaires, personnels en voie de disparition), de santé mentale des personnels (alors que la charge de travail et les pressions sur les personnels ne cessent d’augmenter) !

Il y a donc une véritable connexion entre les concertations « APR » de Guerini dans la Fonction publique et celles d’Attal qui annonce un « grand plan d’attractivité » courant décembre au moment où Guerini publiera son projet de loi.

En 2018, la participation des directions syndicales aux concertations avec le ministre Dussopt sur le plan « Action publique 2022 » a empêché toute mobilisation d’ampleur contre la loi de « transformation de la fonction publique » (TFP). Les directions syndicales, celles du SNES, de la FSU vont-elles à nouveau se soumettre au processus de dialogue social tous azimuts qui a permis à Macron de faire passer sa loi TFP en 2019, le « pacte » à cette rentrée, le SNU (avec les concertations dans le comité de suivi du SNU), etc. ?

Il est grand temps de rompre les concertations, le dialogue social qui relégitime Macron et son gouvernement, lui permet de poursuivre son offensive contre tous les acquis sociaux, contre la jeunesse…

Tel est le sens de la motion que nous présentons :

Motion Émancipation

La concertation qu’ouvre le ministre Attal sur un prétendu « plan de reconnaissance et d’attractivité du métier d’enseignant » est étroitement liés aux objectifs de Guérini, au projet de loi sur la Fonction publique annoncé.

La CA académique du SNES de Lyon réaffirme ses revendications, à commencer par l’augmentation immédiate du point d’indice, le rattrapage le pourvoir d’achat perdu et l’indexation des salaires sur les prix, la diminution du nombre d’élèves par classe... Elle estime que le projet Macron-Guérini constitue une claire menace contre le statut de la Fonction publique et se situe aux antipodes des revendications des personnels.

La CA considère que la responsabilité du SNES et de la FSU est de rejeter en bloc le projet Macron-Guérini, d’indiquer clairement son opposition aux objectifs du gouvernement. Cela implique de refuser de participer aux concertations annoncées sur ces bases (dans la Fonction publique comme dans l’EN), de préparer et organiser la mobilisation unie pour le retrait de ce projet.
Les représentants U&A ont voté contre, ceux de l’École émancipée ont refusé de voter

Texte "Action" de la CA : ICI


Scolarisation des élèves en situation de handicap

Interrogé par le SNES sur le manque d’AESH pour accompagner la scolarisation des élèves en situation de handicap, la réponse du représentant du recteur montre que les annonces de Macron lors de la Conférence nationale sur le handicap (CNH) s’appliquent d’ores et déjà : dorénavant, ce n’est plus la MDPH qui notifiera l’accompagnement nécessaire, mais l’Éducation nationale, « en fonction des moyens » dont elle dispose (sic)…

Nous avons alors rappelé l’intervention d’Émancipation lors de la CA de juin et les exigences qui devraient être celle du syndicat : retrait pur et simple du plan de Macron et des mesures issues de la CNH ; cesser de participer aux groupes de travail « école inclusive » dont le seul but est de désarmer les mobilisations contre la dégradation de la prise en charge des élèves et les nouvelles attaques contre les conditions de travail des personnels.

Voir l’article : Vers la liquidation des AED et des AESH - Et au-delà, les dangers de l’inclusion et de l’insertion à la mode « libérale ».

SNU, classe de défense et de sécurité globale

Suite à l’intervention Émancipation lors de la CA de juin, nous avons présenté le 4 pages du Collectif national Non au Service national universel (SNU) Non à la militarisation de l’éducation.

Le 26 mai, à l’appel d’une large intersyndicale la venue de la Caravane « Expérience SNU » a été très perturbée et le nombre de jeunes accueillis par cette caravane de promotion du SNU très limité.

À cette rentrée, des informations beaucoup plus précises ont été publiées sur le site du SNES de Lyon, sur le SNU et aussi sur les classes défense .

Le ministère a publié cet été au B.O. une note de service« Labellisation « classes engagées » et « lycées engagés » , et la circulaire de rentrée fixe à l’école de « promouvoir la culture de l’engagement des élèves ». Elle précise : « En complément des enseignements, la nouvelle démarche de labellisation des « Classes et Lycées engagés » viendra valoriser et accélérer la dynamique en faveur de l’engagement, notamment dans le cadre des séjours de cohésion du Service national universel (SNU) ».

Le 12 septembre, lors d’une rencontre bilatérale avec la direction de la FSU, Prisca Thevenot secrétaire d’état auprès du ministère des Armées et du MEN, chargée de la jeunesse et du SNU a souhaité échanger sur le thème de « l’engagement » !

Elle a précisé les modalités de l’organisation du SNU pour cette année scolaire :

  • Le séjour de cohésion de 12 jours pourra s’effectuer de façon individuelle, ou dans le cadre d’une « classe engagée », sur le temps scolaire ;
  • Les projets de « classe engagée » doivent être remontés pour le 20 octobre ;
  • Pour l’année 2023-2024, années de transition (sic) tous les élèves volontaires de classes engagées y compris les élèves étrangers non nationaux effectuerons ce séjour sur le temps scolaire, en mars-avril ;
  • Pour l’année 2024-2025, ces séjours classes engagées seront possibles, dès octobre ;
  • La JDC (journée d’appel, obligatoire pour les nationaux) est incluse dans le séjour ;
  • Le MEN travaille sur un texte règlementaire permettant aux jeunes étrangers de participer au SNU (et à la JDC) ;
  • L’enseignant référent pourra participer aux 3 journées thématiques choisies (Défense et mémoire [1] ; Sport et jeux olympiques et paralympiques ; Environnement ; Résilience et prévention des risques).

À noter qu’une autre rencontre avec les syndicats est prévue. Prisca Thevenot veut discuter de la place du périscolaire et de l’extrascolaire.

Rappelons que l’objectif du gouvernement est d’insérer l’enseignement dans une sorte de continuum, favorisant l’entrée dans les établissements scolaires des associations, des entreprises (cf. ce qui se passe avec la réforme du lycée professionnel, et dans les « cités éducatives »…).

Le SNU s’inscrit dans un projet global : transmettre « la culture de défense et de résilience », « renforcer la cohésion nationale autour des valeurs de l’armée », recruter dans l’armée…

Macron a annoncé la modification des programmes d’EMC : l’enseignement de la défense déjà inscrit dans les programmes va être encore accentué. Le « renforcement du lien entre la jeunesse et l’armée » est mentionné dans le rapport annexé du projet de loi de programmation militaire. Et le partenariat entre le ministère des Armées et l’Éducation nationale s’accroît de plus en plus.

Et, le 19 septembre, lors d’un interview au media Brut, Prisca Thevenot a confirmé la volonté de l’exécutif de « généraliser » le SNU. Elle compte sur une « co-construction avec les jeunes » et sur le « dialogue » avec les associations.

À noter que l’ouverture de « classes défense » s’étend dans l’académie de [2](et ailleurs) : de nombreux liens se tissent entre « éducation à la défense », SNU, classes de défense, centres de cadets de la défense [3], etc.

Le gouvernement avance. Il s’appuie notamment sur le fait que les directions syndicales acceptent de participer à des « groupes de travail », comme le groupe de travail SNU mis en place par le ministère. L’urgence est de rompre avec ces « concertations » qui légitiment Macron (et son programme dont fait partie le SNU qui est une des pièces essentielles de formatage de la jeunesse, du « renforcement du lien entre le jeunesse et l’armée »).

—> à lire et à faire connaitre, le document 4 pages du Collectif Non au SNU (dont Émancipation fait partie) : Non au Service national universel - Non à la militarisation de l’éducation


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Notes

[1Il s’agira donc de la « mémoire officielle », celle de l’État, de l’armée (rappelons à ce propos la mobilisation des historiens contre la loi Chirac en 2005 et les rappels alors précisés sur la différence entre histoire et mémoire (et l’existence de « mémoires » différentes, par exemple, celle des combattants pour la libération, l’indépendance de leur pays et celle des colonisateurs)

[3https://trinome-academique.enseigne... file :///C :/Users/bureau/Downloads/annexe_2_cadets_loire_2021.pdf