L’ÉCOLE NE DOIT PAS ÊTRE AU SERVICE DU MEDEF
Le 13 avril, Macron a annoncé le déconfinement progressif à partir du 11 mai. Depuis, le Premier ministre, puis le ministre de l’Enseignement public en déclinent les modalités. Les écoles devraient rouvrir la semaine du 11 mai, les collèges à partir du 18 mai…
S’il existe une forte aspiration à ce que soit mis fin aux interdictions de sorties, et aux attaques contre les libertés fondamentales, une majorité de la population ne fait aucune confiance au gouvernement pour organiser le déconfinement.
De grandes incertitudes sur les conditions sanitaires
L’épidémie de Covid 19 n’est toujours pas maîtrisée et le gouvernement renvoie à la responsabilité individuelle de chacun. "Ce sont les Françaises et les Français qui vont faire évoluer cette situation" par leur respect des mesures barrières notamment explique O. Veran.
L’état d’urgence sanitaire est prolongé jusqu’au 24 juillet, mais le gouvernement refuse toujours de satisfaire les revendications des soignants et de répondre à leur demande de réquisition des moyens de production industrielle pour fournir aux soignants et aux patients le matériel et les médicaments nécessaires. Et a il autorisé la grande distribution à vendre plusieurs centaines de millions de masques chirurgicaux, alors que les soignants, qui en ont si cruellement manqué, subissent toujours rationnement et pénurie, et payent de leur vie le manque de protection.
Le nouveau projet de loi qui prolongera l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet fait peser de lourdes menaces. Un réseau de juristes (universitaires, avocats, juges, syndicats) redoute de nouvelles mesures de privations des libertés, voire leur pérennisation. Ils dénoncent le fait de faire porter "la contrainte de santé publique sur les individus plus que sur les autorités", de traquer, les malades (testés positifs ou asymptomatiques), via des brigades sanitaires.
Macron répond aux injonctions du MEDEF
Dans ce contexte où la population subit durement cette politique de casse de la
recherche, des hôpitaux publics, du système de santé, la réouverture de l’école est une réponse aux injonctions du Medef.
Le PIB reculerait massivement. Mais en même temps, nombre d’entreprises continuent à dégager des profits et poursuivent le versement de dividendes (telles Carrefour, Veolia, Publicis, LVMH, Thales…
C’est la recherche du profit qui motive l’exigence de reprise du travail par le Medef, Macron et son gouvernement. Et le caractère fallacieux de l’argument selon lequel il s’agit de lutter contre le décrochage scolaire est d’autant plus criant que Macron et son gouvernement entendent maintenir les suppressions de postes, le manque de moyens en personnel statutaire, le blocage des salaires… Alors que des milliards sont accordés aux entreprises !
Ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise. Exiger l’abrogation des ordonnances permettant de supprimer des congés dans la fonction publique et dans le privé, voire d’augmenter le temps de travail est une nécessité. Mais il faut aussi abroger la loi "d’état d’urgence sanitaire" (et sa prolongation) qui met gravement en cause les libertés démocratiques et autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance.
Un protocole sanitaire, dans quel but ?
Le gouvernement utilise la crise sanitaire pour transformer l’école en garderie. Les personnels, eux, veulent préserver l’école comme lieu d’enseignement. Cela impose d’obtenir tous les moyens nécessaires pour organiser les cours avec des effectifs réduits. Or, les protocoles sanitaires pour la réouverture des écoles maternelles et du second degré et les modalités contenues dans les guides ministériels ne correspondent en rien à cet objectif et ne sont techniquement pas faisables.
Et le gouvernement commence à transférer ses responsabilités dans l’Enseignement vers les collectivités territoriales. En même temps, il mène concertations pour accentuer cette décentralisation des missions de l’État vers les collectivités avec le projet de loi "3D" (décentralisation, différenciation, déconcentration).
Les enseignants se sont massivement investis pour assurer la meilleure formation possible aux élèves au vu des conditions qui leur étaient imposées. Ce suivi réalisé avec leur propre matériel (au mépris des règles) s’est traduit par une forte augmentation de la charge de travail. Ils souhaitent retrouver le cadre de la classe pour exercer un métier qui ne trouve son sens qu’en présence de tous les élèves.
Or, les conditions d’accueil dans les écoles interdisent à tous les élèves de bénéficier d’un véritable enseignement et portent gravement atteinte au métier et au statut des personnes enseignants lesquels risquent de plus, de voir engagée leur responsabilité juridique. Blanquer ne s’en cache pas : il entend utiliser cette situation pour imposer de profondes modifications du métier et du statut.
Et loin de donner des garanties sanitaires nécessaires à l’enseignement public, le gouvernement vient d’alléger les consignes de protection : la référence aux masques et la distribution annoncée à partir du 11 mai ont été retirées des protocoles. Rappelons que l’étude portant sur le lycée de Crépy en Valois révèle que 38% chez les élèves du lycée, 43% chez les enseignants et 59% dans le personnel administratif étaient infectés un mois après le démarrage de l’épidémie et en Haute-Garonne, 12% des personnels engagés dans la garde des enfants de soignants ont été infectés par le Covid.
Les revendications des personnels doivent être satisfaites
Ainsi, alors qu’il est incapable d’assurer la sécurité sanitaire pour la reprise des cours pour tous les élèves, le gouvernement décide d’une rentrée échelonnée, renvoyant aux parents la responsabilité du retour de leur enfant à l’école, portant ainsi atteinte à l’égalité du droit à l’instruction.
Cette reprise éclatée permet de limiter les résistances, de diviser les collègues, entre les départements, les écoles, les établissements. C’est inacceptable. Ce n’est ni aux équipes de personnels enseignants, ni aux familles, ni aux collectivités territoriales de porter la responsabilité des conditions de reprise.
Face aux résistances des personnels dans l’Éducation, des salariés du public comme du privé, Macron et le patronat en appellent au "consensus social" : ils demandent aux directions syndicales de co-organiser la reprise du travail. Et de multiples réunions sont organisées en ce sens.
La situation sanitaire au 11 mai ne permettra en aucun cas une reprise sereine des activités scolaires pour tous les élèves et pour tous les personnels. On ne peut donc accepter que la rentrée se fasse en mettant en danger la sécurité des élèves, de leur famille et du personnel. C’est dans l’unité que les organisations syndicales doivent exiger la non réouverture des écoles et établissements à partir du 11 mai et cesser toute participation à la "co-construction" du plan gouvernemental de déconfinement du gouvernement.
C’est aux personnels et à leurs organisations syndicales, appuyés sur les recommandations des personnels soignants (en lien avec leurs organisations, syndicats, collectifs) de déterminer les conditions nécessaires pour la reprise des cours. Cela implique aussi de satisfaire toutes les revendications des personnels soignants (1), de rétablir des médecins et des infirmières scolaires en nombre suffisant.
Au-delà, la reprise de l’enseignement et le rattrapage du temps perdu exige l’augmentation significative des moyens (création massive de postes, hausse des salaires, déblocage du point d’indice) et l’abrogation des contre-réformes en cours. Cela impose aussi la reconnaissance de maladie professionnelle pour tous les personnels qui ont contracté le COVID .
C’est aujourd’hui que se construit le "monde d’après", en combattant frontalement la politique de Macron et son gouvernement.
Photo : affiche 1er mai à Nantes
(1)COVID : la colère en primes. Opposition de soignants aux primes COVID