Ce qu’expliquait Maksim Butkevych en mars 2015

À la suite de Maïdan, puis de l’annexion russe de la Crimée (et avec la répression qui s’en suivit), fut créé fin 2014, début 2015, à Paris le collectif Koltchenko qui initia notamment différentes réunions. L’une de ces réunions se tint le 7 mars 2015, au local de l’EDMP, avec deux intervenants ukrainiens dont Maxim Butkevych. À l’heure

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où Maksim a arrêté avec d’autres soldats ukrainiens par l’armée russe qui engagea la guerre contre l’Ukraine, il est utile de rappeler ce que Maksim Butkevych disait à propos de Maïdan en mars 2015. Ceci est d’autant plus nécessaire que le pouvoir russe semble vouloir monter un procès politique contre Maksim (alors qu’il est prisonnier de guerre) et qu’une nécessaire campagne politique pour sa libération s’engage.

Voici ce qu’il expliqua notamment lors de cette réunion :

« Bien sûr, ce que je présente est quelque chose de subjectif parce que j’ai participé de façon active dans le Maïdan, mais j’essaye de rester objectif.

Pour la majorité des gens qui ont participé au Maïdan, c’était l’évènement le plus marquant de leur vie. C’est un événement qui était assez spontané, son évolution était assez imprévisible, et on pourrait même dire qu’il n’est pas terminé. Maïdan, ce n’est pas juste la place centrale de la capitale de l’Ukraine, mais c’est plutôt un mouvement, c’est une sorte d’organisation très, très complexe du point de vue social. D’une part le Maïdan peut être décrit comme un mouvement pour les droits de l’homme, pour les droits des citoyens, auquel participaient des gens tout à fait différents (…) ; et ce mélange social qui existait au sein du Maïdan a poussé les gens à devenir plus tolérants vis-à-vis de toutes sortes de diversités qui existaient dans la société. Un exemple triste mais que l’on peut quand même donner, c’est que les premiers morts du Maïdan, c’est un Arménien, enfant de réfugiés arméniens qui sont venus en Ukraine, le deuxième était un Biélorusse et le troisième était Ukrainien.

Sur Maïdan, il y avait également certains symboles plutôt ethniques-ukrainiens, nationalistes ukrainiens, qui étaient apportés par certains militants de droite. Et pour un observateur extérieur, ils pouvaient donner parfois une fausse impression ; comment est-ce qu’on peut avoir en même temps un mouvement qui se bat, qui est là pour défendre les droits de l’homme, les droits des citoyens et en même temps avoir certains symboles qui peuvent être plus nationalistes ?

Ce qui a déclenché le Maïdan , au départ appelé Euro-Maïdan, c’était le refus de signature d’accord d’association, mais dans le temps le mouvement a évolué, et plus tard ces questions d’intégration dans l’Europe étaient devenues secondaires et ce qui était beaucoup plus important c’était des questions sociales : l’opposition à la violence policière, l’opposition au gouvernement qui ne respectait pas les droits des citoyens, et la nécessité de faire des réformes radicales de tout le système étatique. Et dès le jour de la fuite de Ianoukovitch, ces réformes se sont mises en route. Malheureusement, ce qui s’est passé, c’est que pratiquement une semaine, voire cinq jours après ce début de processus de réforme, il y a eu l’arrivée des forces en Crimée. Donc ça a arrêté complètement ce processus de réforme de l’État.

À titre d’exemple, (…) dès la fuite de Ianoukovitch, nous avons occupé le bâtiment du service de l’immigration. Cette occupation était tout à fait pacifiste. Son idée, c’était d’empêcher le gouvernement, les fonctionnaires de l’État qui étaient en train de fuir de détruire les documents, ces documents qui concernaient en particulier les demandeurs d’asile et les immigrés qui étaient en Ukraine, parce que ces documents, en particulier tout ce qui concernait la délivrance du droit à l’asile, ces documents là contenaient beaucoup de choses scandaleuses ; et donc nous avions peur que ces documents puissent être détruits soit par les fonctionnaires de l’ancien gouvernement, soit par des militants de l’extrême droite.

Cette occupation, son résultat fut le lancement d’une réforme de la législation sur l’asile. Le service d’immigration, qui jamais ne voulait coopérer avec les ONG, s’est mis à travailler avec nous (…). Par la suite, avec le début de la guerre, ils nous ont dit : "mais il y a la guerre, donc on ne peut pas faire de réforme avec la guerre".

Mais malgré tout, cette idée des réformes, elle existe, les gens maintenant sont bien conscients que c’est quelque chose qui va prendre très longtemps mais ils ne sont pas prêts à abandonner ». 


À l’évidence le pouvoir russe cherche à faire payer à Maksim Butkevych, militant anarchiste, antifasciste et antiraciste de Kiev, co-fondateur de l’association « No Borders Project », de soutien et d’assistance aux migrants, le combat politique qui a été celui de toute sa vie et en particulier son rôle à Maïdan.

Une première exigence :

LIBERTÉ POUR MAKSIM BUTKEVICH !

Les explications données par Maksim ont été publiées dans la revue L’Émancipation syndicale et pédagogique de novembre 2016


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