Fonction publique - ACCORD SUR LA PROTECTION SOCIALE : LE DIALOGUE SOCIAL CONTRE LES ACQUIS

La Sécurité sociale déjà lourdement menacée est aujourd’hui un enjeu majeur de la campagne présidentielle. Le MEDEF vient de publier son "programme" . Et d’ores et déjà nombreux sont les "candidats" qui, en prolongement des attaques imposées sous le mandat Macron, annoncent des mesures pour en finir avec la Sécu de 1945 : refonte de son architecture ; allégement supplémentaire des cotisation employeurs de 17 milliards d’euros, nouvelle réduction "substantielle" des dépenses publiques (dont celles de la santé)… Ils veulent pousser encore plus loin l’offensive engagée par Macron.

Réforme de la protection sociale complémentaire : quels les enjeux ?

Macron et le patronat entendent utiliser le déficit inédit imposé à la Sécu (- 39,7 Md€ en 2020, 34,8Md€ en 2021), pour favoriser "des réformes structurelles ambitieuses"Image Sébastien Marchal (Formes de Luttes) : aller vers une fiscalisation renforcée, voire intégrale, et/ou une prise en charge accrue des risques par les complémentaires. Ils veulent une "baisse du coût du travail", en finir avec le financement par les cotisations sociales (cette fraction du salaire mutualisé), et faire payer les travailleurs, les retraités, les actifs, à hauteur de ce qu’ils "coûtent".

La réforme de la protection complémentaire dans la Fonction publique participe de ce plan. Inscrite dans la loi de transformation de la Fonction publique (LTFP), l’ordonnance du 17 février 2021 prévoit sa mise en œuvre par le dialogue social.

Accord unanime dans la Fonction publique d’État

Après un an de discussions, le 26 janvier, les syndicats de la Fonction publique d’État ont signé, à l’unanimité, l’accord interministériel du gouvernement. Ils ont ainsi validé l’adhésion obligatoire dès 2024 des fonctionnaires actifs au contrat collectif choisi par l’employeur (à la place de la complémentaire - MGEN ou autre – jusqu’alors facultative).

La cotisation nommée "cotisation d’équilibre" sera redéfinie chaque année en fonction du coût du "panier de soins" (auto-équilibre du système).
Pour les actifs, l’employeur paiera 50% de cette "cotisation d’équilibre". Le salarié paiera une part forfaitaire (20% de la cotisation d’équilibre) + une part solidaire coefficienté au salaire (environ 30% de la cotisation d’équilibre) . À cela s’ajouteront les cotisations pour les ayants droits (conjoint, enfants).

Pour les retraités "les cotisations sont fixées de sorte de couvrir le recours effectif de ces bénéficiaires aux garanties". Cette cotisation sera de 100 à 150% de la cotisation d’équilibre et de jusqu’à 175% à partir de la 6e année de retraite.
Dans la Fonction publique territoriale, le 16 février, les syndicats ont donné leur aval au décret du gouvernement engageant le même type de processus.

Un système inégalitaire pour toutes et tous est ainsi introduit subordonnant le droit à la santé à une "cotisation d’équilibre", "définie chaque année" . Cette logique selon laquelle "cotisation = prestation" est la négation du principe fondant la Sécu : la solidarité entre actifs, et entre actifs et retraités : "chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins". Cela annonce des écarts très importants sur le coût de la protection de la santé des agents (selon la catégorie, l’âge, situation familiale, etc.), et individualise les droits.

Quant à la prévoyance, des négociations sont prévues. Mais la signature des syndicats valide le découplage entre santé (frais médicaux et soins de santé) et prévoyance dont une part est statutaire (accidents du travail, maternité, arrêt de travail, invalidité, décès).

Un outil entièrement tourné contre la Sécurité sociale de 1945

Ce système porte un coup frontal contre la Sécurité sociale. En 1981 pour l’ensemble de la Sécu, les cotisations sociales (part patronale et part salariale) représentaient 82% des recettes. En 2019 : 56% seulement. La branche maladie n’est plus fiancée qu’à 35% par les cotisations ; 65% relève "d’impôts de toute nature". L’exigence du patronat est d’aller vers la fiscalisation et la totale main-mise de l’État sur la Sécu

Cet accord repose en réalité sur les mêmes bases que celui signé en 2013 dans le privé où de plus en plus d’options sont souvent financées par les seuls salariés.

En plaçant aux côtés de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), une Complémentaire santé (AMC) obligatoire privée choisie par l’employeur, le gouvernement pourra opérer un transfert des prises en charge de l’AMO vers l’AMC. Cela contraindra à l’augmentation des cotisations à l’AMC et favorisera surtout l’élargissement aux assurances privées avec des sur-complémentaires… pour ceux qui pourront payer. On pose ainsi les bases pour aller vers une couverture minimum (solidarité "nationale" financée par l’impôt sous contrôle de l’État) et une (des) assurances complémentaires, selon les moyens de chacun.

Un processus qui participe du dynamitage de nos statuts

Cette réforme s’inscrit dans le processus de la destruction du statut. Présentée comme un moyen de renforcer le pouvoir d’achat des fonctionnaires, elle vise en fait à masquer le blocage du point d’indice et la volonté du gouvernement d’aller vers sa suppression. Elle va dans le sens de la disparition annoncée du Code des pensions qui organise une continuité entre traitement et pension.

La signature de cet accord est contraire aux mandats de la FSU qui revendiquent le remboursement à 100% par la Sécu pour tous, et aux principes de la Sécurité sociale : solidarité intergénérationnelle et entre tous les salariés, financement par les seules cotisations sociales. Il va rendre très difficile le combat pour le 100% sécu, pour l’abrogation de la loi TFP et la défense du statut lourdement menacé.

Se félicitant de cet accord "historique", la ministre Montchalin veut utiliser ce dialogue social, dans lequel "chacun prend sa part" pour disloquer toutes les garanties statutaires.

À la veille des échéances électorales, alors que les principaux candidats reprennent dans leurs programmes les exigences patronales, l’unité des personnels et de leurs organisations syndicales est plus que jamais nécessaire. Mais l’unité ne peut se réaliser que sur la base des revendications des personnels, en défense de leurs intérêts collectifs. Cela implique d’imposer une définition claire des revendications et la rupture du "dialogue social", qui soumet les syndicats aux objectifs du gouvernement.

Image Sébastien Marchal (Formes de Luttes)