POUR LE RETRAIT DES PROJETS MACRON CONTRE L’ÉCOLE
Macron veut faire de l’école un des quatre grands chantiers de son quinquennat, pousser ses réformes jusqu’au bout. Il annonce une grande concertation pour sceller un nouveau pacte avec les enseignants. Ce « pacte » s’ancre autour de deux axes : modifier le statut des enseignants en profondeur et développer l’autonomie des établissements, territorialiser, donner « la liberté aux acteurs locaux »…
Territorialisation et éclatement du cadre national
Macron entend s’appuyer sur « l’expérimentation de Marseille » pour ouvrir les écoles et établissements vers l’extérieur, aux parents, associations, collectivités locales… Avec son plan « Marseille en grand », il entend généraliser la territorialisation et l’école-entreprise. En déplacement à Marseille le 2 juin, il précise : « on veut rebâtir le projet pédagogique au niveau d’un établissement scolaire et donner la possibilité de s’assurer que l’enseignant recruté partage ce projet ».
C’est la porte ouverte à une définition locale des programmes et des horaires, Macron expliquait ainsi durant la campagne que « La réforme ne sera pas la même dans les quartiers Nord de Marseille, à Troyes et dans les Hautes-Alpes ». Il s’agit donc de remplacer les règles nationales par de multiples contrats locaux liant chaque écoles, établissement à l’État et à son environnement local.
Dès la maternelle l’individualisation des parcours des élèves s’impose, permettant de trier et d’orienter.
Cette organisation de l’école s’articule à la « révolution complète du lycée professionnel » annoncée par Macron, lesquels doivent fonctionner en « partenariat beaucoup plus étroit avec les entreprises ». Aux côtés des apprentis (250 000 jeunes en CFA actuellement), les élèves de L.P. (530 000 actuellement) seraient orientés vers des postes non pourvus car peu valorisés, mal payés (bâtiment, restauration, soins à domicile…). Le temps passé en entreprise serait augmenté de 50%, avec une diminution drastique des heures d’enseignement. La fin de la formation initiale sous statut scolaire s’accompagnerait de « la fin de l’hégémonie des diplômes » remplacés par « un outil de gestion des compétences ». Le pilotage local des parcours de formations serait adapté aux besoins en main d’œuvre locaux. Cela en cohérence avec le programme de l’UIMM , qui défend le transfert des L.P. industriels au ministère de l’Industrie et un pilotage de la formation au plus près des territoires.
Tout cela impose une réorganisation du collège qui se reprocherait de celui du premier degré (Macron annonce « des transformations inédites au collège »). Un processus d’orientation serait développé dès la 5e avec un « repérage précoce des jeunes fragiles », avec « des périodes d’immersion en entreprise » et un « accompagnement vers l’emploi ». La réforme du collège doit ainsi permettre d’alimenter l’apprentissage et l’alternance. Appuyé sur « le socle mis en place par Blanquer » (réforme du primaire, du lycée, du bac…), il s’agit de développer la libéralisation du système de la maternelle au supérieur.
Le 13 janvier, Macron annonçait une « une transformation systémique » pour nos universités, davantage autonomes, « professionnalisantes », avec « de véritables contrats d’objectifs et de moyens » et « garantissant l’orientation des jeunes vers l’emploi ». Avec les Cycles Pluridisciplinaires d’études supérieures (CPES) aux côtés des classes prépa, on introduit l’éclatement de tout cadre national (fin des programmes et des concours nationaux, voire de la gratuité…).
Ajuster l’offre éducative au plus près des besoins des entreprises, tel est le fil conducteur.
Et le discours sur « l’égalité des chances » de Macron-Ndiaye est là pour légitimer une inégalité « juste », induite par le mérite, mettant en cause le droit à la formation et à l’enseignement gratuits, organisant la déscolarisation d’un grand nombre de jeune mis à disposition du patronat.
Un « pacte » pour disloquer le statut
Pour pouvoir mettre en place « l’école du futur », le gouvernement entend s’en prendre au statut des enseignants. Dès 17 mars, Macron donnait les précisions suivantes : « On propose un pacte aux enseignants : on vous demande de nouvelles missions qu’on est prêts à mieux payer comme le remplacement des profs absents, ça doit être une obligation, le suivi individualisé des élèves, l’accompagnement sur le temps périscolaire. Pour les enseignants en place je propose un nouveau contrat. On augmente leur rémunération s’ils sont prêts à changer leur organisation. Toutes les nouvelles embauches sont sur la base de ces nouveaux contrats ».
Ainsi, dès la rentrée 2023, les nouveaux recrutements ne se feraient plus selon les règles statutaires actuelles, ce que Macron a confirmé à Marseille le 2 juin. Ce serait un pas considérable vers l’individualisation de la gestion des enseignants, avec un pouvoir accru donné aux chefs d’établissement dotés d’une certaine autonomie dans le recrutement. Après la réforme destructrice des concours, la menace de leur suppression, la généralisation des postes à profil (cf. l’expérimentation de Marseille), l’élargissement du recrutement sous contrat attestent des objectifs : développer la concurrence entre les personnels, aller vers la suppression du statut de fonctionnaire…
La nouvelle gestion de l’école reposera sur l’évaluation permanente de chaque établissement, de chaque professeur. Les moyens affectés aux écoles, de même que la revalorisation des enseignants dépendront des résultats. « J’assume », dit Macron, « plusieurs systèmes de rémunération », car les enseignants « ne font pas tous la même chose ». L’augmentation du point d’indice annoncée (sans aucun chiffrage) sera donc cadrée par ces objectifs : réviser les procédures de rémunération des fonctionnaires, individualiser, avec une partie du traitement liée au « pacte », selon le poste occupé et les résultats (une déconnexion entre traitement et diplôme/concours) … Une réforme des grilles de la fonction publique serait en préparation, des concertations sont en cours entre le ministre Guérini et les organisations syndicales.
Il est donc clair, que pour parvenir à la marchandisation de tout le système d’enseignement, à la mise en concurrence de tous contre tous (pour aller vers une société sans statuts, faire « baisser le coût du travail »), il faut passer sur le corps des personnels de l’Enseignement public. On s’acheminerait vers les situations qu’ont vécu les salariés de France Télécom (mise en concurrence, extinction du statut de fonctionnaire…).
Retrait des projets Macron contre l’école, aucune concertation sur ces bases !
Pour la mise en œuvre de sa « refondation » (soit la totale destruction du système national d’Enseignement public), Macron prévoit « d’abord un temps national », puis un « temps local ». Il s’agit de « décliner 1200 bassins de vie » et de réorganiser l’école (et aussi le système de santé) de façon différenciée selon les conditions locales. Le Conseil national de la refondation (CNR) qu’il entend mettre en place avec « les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort », des représentants de la société civile (conseillers issus de syndicats, ONG, monde de l’entreprise), n’est rien d’autre qu’une nouvelle mouture de « concertations » tous azimuts qui doivent aboutir aux objectifs fixés dans son programme : en finir avec tout ce qui reste d’acquis fondamentaux.
S’agissant de l’Enseignement, suite aux concertations nationales et locales, le gouvernement sortira des feuilles de routes diversifiées selon les territoires sur la base desquelles les établissements (ou groupes d’établissements) devront contractualiser. Ce passage d’une gestion nationale de l’enseignement à une gestion locale, rendra inévitable la privatisation.
Alors qu’en Belgique les enseignants se mobilisent contre la politique de gestion par les résultats, un « pacte » inspiré par McKinsey , il y a urgence ! Le manque de personnel enseignant à la rentrée, le recrutement à Versailles sous forme de « job dating » (entretien de 30 minutes, ouvert à toute personnes titulaires d’un bac+3) ne sont que quelques éléments du vaste plan d’ensemble de Macron.
La responsabilité des directions syndicales est de se prononcer clairement pour le retrait des projets Macron, le retrait du « pacte » pour les enseignants, d’annoncer qu’il s’agit là d’un préalable à toute discussion avec Macron et son gouvernement et de lancer une vaste campagne d’information auprès des collègues. C’est dès aujourd’hui qu’il faut organiser, dans l’unité la mobilisation pour le retrait du « pacte » et de tout le plan de « révolution culturelle » annoncée.