La loi d’urgence sanitaire, une loi scélérate

La loi la loi du 23 mars 2020 dite "d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19" [1], adoptée par la majorité parlementaire aux ordres de Macron met lourdement en cause les libertés démocratiques et les droits des salariés.

Normalement, l’urgence sanitaire exigerait des réquisitions ou nationalisations des productions de masques, de tests, de machines respiratoires, de médicaments, l’ouverture massive de lits, le recrutement de personnels soignants formés, en leur donnant les moyens de travailler en toute sécurité et en leur accordant une augmentation massive de salaire, la réquisition des moyens et personnels des cliniques privées…

"Il n’y a pas d’argent magique !" ... pour les hôpitaux

À l’inverse, les malades sont assignés à résidence ; ils ne peuvent accéder aux soins hospitaliers que s’ils sont en détresse respiratoire… Tout cela dans une situation où l’hôpital public est "à bout de souffle", victime des politiques de réduction de moyens du gouvernement Macron et de ses prédécesseurs. Tout cela alors que les hospitaliers mobilisés depuis un an, avec l’ensemble de leurs syndicats, pour réclamer notamment l’augmentation des salaires de 300 euros, hausse des effectifs et réouverture des lits supprimés n’ont obtenu que le mépris : "Il n’y a pas d’argent magique !" déclarait Macron dans un hôpital, le 6 avril 2018 ! Tout cela alors que le désengagement de l’État dans la recherche fondamentale va de pair avec des financements sur projets soumis à la compétitivité des entreprises, favorisant les profits des grands groupes pharmaceutiques. (On lira avec intérêt les articles de Brubo Canrd, directeur de recherche au CNRS dont l’équipe travaille sur les coronavirus [2].

Violente atteinte aux libertés démocratiques

Cette loi permet au gouvernement d’imposer le confinement généralisé de la population. Les libertés de circuler, de manifester, de se réunir sont considérablement restreintes. On ne peut sortir de chez soi sans être muni de "l’attestation de déplacement dérogatoire" définie par le gouvernement ; le droit à la vie privée et familiale et le droit à l’éducation sont aussi mis en cause.

Et de nouvelles mesures sont en préparations pour justifier/accompagner le "déconfinement".

Le risque de nouvelles pandémies était clairement identifié depuis des années. Or, s’agissant du corona virus, dès le 31 décembre, Taïwan avait pris des mesures (comme l’inspection des passagers en provenance de Wuhan, et d’autres mesures selon un plan de gestion des épidémies créé après l’épidémie de SRAS de 2003).
Soucieux des intérêts des entreprises, Macron a d’abord tardé à agir contre la propagation de coronavirus.

Le gros des mesures de cette loi "d’urgence" ne relève pas de l’urgence sanitaire et la durée de l’application de cet état d’urgence est de fait à la discrétion du gouvernement.

Le retour de "l’argent magique"... pour le patronat

Au nom de "l’urgence économique", les mesures prises répondent largement aux demandes du MEDEF. La somme 45 milliards d’euros d’aide accordée aux entreprises a été portée à 100 milliards le 9 avril. À cette somme s’ajoutent nombre de mesures comme la garantie d’État à hauteur de 300 milliards d’euros pour les "nouveaux prêts apportés par les banques et le réseau bancaire" contractés par n’importe quelle entreprise, et bien d’autres, comme le "report" (voire l’annulation) du paiement des cotisations sociales, une mesure qui renforce la politique de casse de la sécurité sociale.

Qui va payer ?

Le gouvernement Macron profite de la pandémie pour entreprendre une nouvelle et violente attaque contre le Code du travail.

Du jour au lendemain, un grand nombre de salariés sont plongés par les employeurs dans le télétravail obligatoire et en continu, au mépris de la règlementation, des conventions collectives, et du statut de la Fonction publique. Confinés avec leur famille, ils sont soumis à une charge de travail, à des pressions, des contrôles qui génèrent un surmenage, beaucoup de stress et d’anxiété.

Les 5 millions de salariés mis au chômage partiel et confinés vivent une situation difficile à accepter : ils ne perçoivent que 84 % de leur salaire net (100 % s’ils sont au Smic), sauf si leur entreprise a les moyens de procéder à un maintien du salaire complet. Et nombreux sont ceux qui redoutent un chômage futur. D’autant que le gouvernement écarte toute interdiction de licenciements pendant la crise du coronavirus.

Nombre de salariés doivent continuer à travailler dans des secteurs non essentiels où l’activité a été maintenue, ou dans les secteurs dits "indispensables". Le maintien de l’activité en présentiel met en danger leur santé, provoquant même la mort.

Violente attaque contre les droits des salariés

La loi d’urgence prévoit que le gouvernement peut légiférer par ordonnance pour que les entreprises des « secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou de la continuité de la vie économique et sociale puissent déroger aux règles du code du travail et aux stipulations conventionnelles relative à la durée du travail, au repos hebdomadaire et du repos dominical ».

Mais la loi ne précise pas quels sont les secteurs concernés, et, c’est donc dans toutes les entreprises qu’il sera possible d’imposer aux salariés de prendre une semaine de congés pendant leur confinement (plutôt que de bénéficier du chômage partiel) et d’augmenter la durée du travail.

Richard Abauzit, ancien inspecteur du travail fait, sur son blog [3], l’analyse de la loi d’urgence et des mesures qui s’en suivent contre les travailleurs. (Nous publions, avec son accord, ses analyses sur le blog http://69emancipation.blogspot.com/).

Ci-dessous quelques-unes des attaques citées par Richard Abauzit dans ses analyses.

  • Les employeurs pourront, "Dans les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale" imposer une durée moyenne de 48 heures par semaine sur une période de douze semaines consécutives. La liste des secteurs n’est pas définie (elle relève d’un simple décret) ! Et dans le secteur agricole et agroalimentaire, l’employeur pourra imposer de travailler 48 heures par semaine en moyenne sur 12 mois, c’est-à-dire toute l’année ("en moyenne, cela signifie qu’un salarié pourra faire des semaines supérieures à 48 heures) !
  • Les employeurs pourront obliger ceux qui travaillent la nuit à travailler jusqu’à 44 heures par semaine au lieu de 40 heures actuellement.

"Les employeurs des entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » pourront obliger leurs salariés à travailler 12 heures par jour, y compris la nuit". Le repos quotidien de 11 heures sera donc réduit à 9 heures (on pourra imposer à un salarié qui finira le travail à 23 heures de reprendre à 8 heures le lendemain).

  • "Les employeurs des entreprises « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » ainsi que ceux des entreprises qui leur assurent des « prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale » (cela va faire beaucoup d’entreprises) pourront obliger leurs salariés à travailler le dimanche !".
  • "Les employeurs des établissements et services sociaux et médico-sociaux pourront dépasser les capacités d’accueil de leurs établissements, pourront utiliser du personnel non formé, pourront imposer à leurs salariés de changer de fonction, de personnes prises en charge et de lieu de travail (traverser la rue il disait ?). Le tout, et sans rire, en respectant bien sûr les conditions de sécurité...".

"Le redressement économique sera long, difficile et coûteux", annonce d’ores et déjà Bruno Lemaire ; il faudra peut-être travailler plus longtemps. Et Guillaume Peltier (LR) de renchérir proposant que chaque Français abandonne cinq jours de RTT pour financer les budgets de la santé et de l’agriculture ! D’ores et déjà, les mesures prises aujourd’hui montrent que "demain", avec le déconfinement, comme l’indique Richard Abauzit, pour les salariés "le jour d’après sera pire".

Ce gouvernement de défense du capitalisme est seul responsable de la "crise" économique et sanitaire : aucune "union nationale" n’est donc acceptable !

C’est donc sans attendre que l’unité des organisations doit se réaliser contre les mesures de Macron sur des revendications claires. En premier lieu :

  • Abrogation de la loi dite "d’urgence sanitaire" et des ordonnances qui s’en suivent ;
  • Défense des libertés démocratiques ;
  • Satisfaction de toutes les revendications des travailleurs ;
  • Le droit à la santé et aux soins doit être accessible à tous et toutes. Cela impose que soient satisfaites toutes les revendications des personnels des soignants.

Hélène Bertrand, 10 avril 2020

Suite à la visite de Macron, le 9 avril, au CHU du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) , l’Élysée a posté sur Twitter une vidéo montrant des soignants applaudissant à bras déployés. Or ce n’est pas Macron que ces soignants applaudissaient. Un peu plus tôt, une déléguée CGT avait « alpagué » Emmanuel Macron : « Nos conditions de travail sont horribles et ça ne date pas de l’épidémie. Au départ nous n’avions même pas de masques, aujourd’hui nous n’avons plus de surblouse. À chaque fois que l’on a ouvert des unités Covid, nous avons été obligés de réinventer la façon de faire, comment se protéger, comment prendre en charge, rien n’a été coordonné. Nous sommes des travailleurs pauvres, et de plus en plus depuis que Macron est là ! ». Et selon la CGT de l’hôpital, 144 soignants sont malades et détectés positifs au Covid-19.

D’autres informations sur le blogÉmancipation Lyon-69

Sur le blog de Richard Abauzit
https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/230320/bas-les-masques-1, https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/230320/bas-les-masques-2, https://blogs.mediapart.fr/richard-abauzit/blog/270320/bas-les-masques-3