SÉCURITÉ SOCIALE ATTAQUÉE DE TOUTES PARTS (3)
La Protection sociale complémentaire : une avancée ? Non, un outil contre la Sécu
Le 1er avril 2026, les personnels (titulaires et contractuels) du Ministère de l’Éducation Nationale (MEN), du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), du ministère des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative (MSJV) devront obligatoirement souscrire au contrat collectif passé, pour six ans, par ces ministères avec le regroupement CNP Assurances/Mgen.
Prise sur habilitation de l’article 40 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 a réformé le cadre juridique de la protection sociale complémentaire des agents de la Fonction publique. Ces dispositions ont été codifiées au sein du chapitre VII du titre II du livre VIII du code général de la fonction publique à compter du 1er mars 2022. Ces textes renvoyaient la mise en œuvre de cette PSC obligatoire à un accord entre syndicats et employeurs..
Durant près de 4 ans, toutes les directions syndicales des trois Fonction publiques ont accepté de négocier sa mise en œuvre dans la fonction publique. [1] (Dans le privé, suite à un accord national interprofessionnel (ANI) signé en 2013 et à la loi qui s’en est suivi, la PSC s’est mise en place en 2016,).
CNP Assurance est détenu par la Banque Postale. C’est un acteur de l’assurance des personnes et des biens en France, en Europe et au Brésil.
CNP Assurances Protection Sociale (CNP Assurance/Mgen) : société anonyme détenue à 65 % par CNP Assurances Holding et à 35 % par La Mutuelle Générale (Mgen)
La participation de l’employeur à la prise en charge de 50% de la « cotisation d’équilibre » parait alléchante. Pourtant les appréciations et commentaires différents (souvent divergents) portés par des directions syndicales ne peuvent qu’interroger.
Un « progrès » en trompe l’œil
L’obligation faite aux employeurs du privé depuis 2016 de proposer une couverture santé minimale (appelée contrat socle) se traduit par de fortes inégalités entre les salariés selon la taille et les capacités financières des entreprises. Et on observe souvent un recul de la qualité de la couverture lors du renouvellement du contrat. Les chômeurs, les précaires, les étudiants… n’ont accès qu’aux contrats individuels, plus chers. Pour les retraités, la cotisation coûte trois à quatre fois plus cher (tarification à l’âge).
Cette généralisation n’est pas une universalisation.
Un nouveau marché de la santé
La loi de 2004 qui expérimente la création des Agences Régionales de Santé (ARS) a développé une logique de maîtrise de la demande. Cela se traduit par une augmentation du reste à charge dans le remboursement des soins par l’Assurance maladie (AMO/Sécu), ce qui pousse les malades à renoncer à des soins. La loi a associé l’Assurance maladie complémentaire (AMC) à la « maîtrise des dépenses santé » (ex : le gouvernement a imposé un partenariat entre l’Assurance maladie et les complémentaires pour qu’elles encouragent à respecter le parcours de soins coordonnés et qu’elles ne remboursent pas l’intégralité du reste à charge (cf. les franchises médicales).
Pour l’État il s’agit non seulement de réaliser des économies dans tout le système de santé publique mais de favoriser le développement d’un marché de l’assurance santé.
La mise en œuvre de la PSC dans le privé (avec des contrats collectifs obligatoires) a favorisé le processus, imposant la concentration des mutuelles et leur association avec des assurances. C’est le cas de la MGEN qui, en 2017, crée avec d’autres groupes l’ensemble VYV (10,5 millions d’assurés). Aujourd’hui, l’association CNP-Assurance/MGEN a emporté le marché de la complémentaire santé des trois ministères (pour trois ans).
Les opérateurs, avides de nouveau contrats, déploraient l’iniquité des droits entre fonctionnaires et salariés du privé. Aujourd’hui, ils se réjouissent : « De nouvelles perspectives de développement s’ouvrent aux acteurs du marché de la complémentaire santé et de la prévoyance » [2]
On passe d’un système de protection fondé sur la solidarité face au risque (AMO), règlementée par le droit du travail et le droit social à une activité économique qui fait appel au marché (les employeurs négocient sur le marché selon les règles de la libre concurrence) : le droit commercial prend le pas sur le droit social.
Les modalités (montant des cotisations, couverture, options…) sont présentées dans la presse syndicale : (cf. Protection complémentaire, 4 pages du SNES, avril 2025).
à lire :
LA SÉCURITÉ SOCIALE ATTAQUÉE DE TOUTES PARTS :
Partie 1 : : Exonérations de cotisations patronales, TVA sociale, et la PSC
Partie 2 : La Sécu : une conquête du mouvement ouvrier imposée à de Gaulle
Partie 4 : POUR DÉFENDRE LA SÉCU : UNITÉ CONTRE LE BUDGET BAYROU, RUPTURE DES CONCERTATIONS !