Rentrée scolaire - "Inclusion" au rabais : Lettre ouverte du lycée Émile Mounier (Grenoble 38)

Quelques flashs sur la rentrée en Rhône-Alpes

65 personnels (enseignants, agents, AED, AESH) du lycée Emile Mounier de Grenoble ont adressée la Lettre ouverte ci-après à la presse locale et nationale avec le message suivant :

Quelques jours seulement après la clôture des jeux paralympiques de Paris et à l’heure où le tout nouveau gouvernement Barnier vient de corriger son "oubli" de nommer un.e secrétaire d’état au handicap, nous espérons que notre indignation face à un état des lieux déplorable en matière d’inclusion pourra trouver écho dans vos colonnes.

Grenoble, le samedi 14 septembre 2024

Madame, Monsieur,

Les jeux olympiques de Paris 2024 prennent fin aujourd’hui avec la grande parade des athlètes. Les jeux paralympiques et leur indéniable succès populaire et médiatique auront été l’occasion de mettre en lumière la cause du handicap et de célébrer la nécessité et la richesse de l’inclusion de toutes et tous.

Le décalage entre cette “parenthèse enchantée” et la réalité de l’accueil des élèves “à besoins éducatifs spécifiques” n’en est que plus choquant, dans notre lycée comme ailleurs. A chaque rentrée, les élèves en situation de handicap sont plus nombreux.ses. C’est heureux, car nous sommes attaché.e.s à la réussite de tou.te.s les élèves. En revanche, le nombre de postes d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), lui, n’augmente pas. La Direction du lycée évalue à 60 heures (entre 2 et 3 postes) le déficit de prise en charge de nos élèves non-voyants, malvoyants, malentendants, en chaise roulante, atteints de TDA (trouble de l’autisme), de TDH (trouble de l’hyperactivité) et multydis (dyslexiques, dyscalculiques, dysgraphiques...etc).

On nous répond que “la situation est pire ailleurs”, que “le recrutement d’AESH est compliqué”, que “les moyens manquent”. Ces arguments ne nous satisfont pas et n’apaisent en rien notre colère :

  • Il est évident que, comme nous le signalons depuis sa création, le “statut” d’AESH est loin d’être satisfaisant. Leurs conditions de travail poussent parfois même à la démission des collègues en souffrance, pourtant impliqué.e.s et attaché.e.s à leurs missions.
  • L’argument des moyens est indigent : pour ne prendre que quelques exemples récents d’économies à réaliser sur le budget de l’Education nationale, il suffit de récupérer les centaines de millions consacrés au fiasco du SNU1 , de la laborieuse expérimentation de l’uniforme2 ou du scandale de la généralisation des évaluations nationales3 pour être en mesure de financer des milliers de postes d’AESH indispensables à l’inclusion réelle des élèves en situation de handicap.

L’hypocrisie gouvernementale est insupportable. Le scandale de l’inclusion au rabais met en souffrance les enfants concerné.e.s, leurs familles, mais aussi les personnels et l’ensemble des élèves. Cette politique cynique constitue un levier supplémentaire pour saboter l’école publique. L’ex-ministre de l’Economie, qui poursuit sa carrière en enseignant l’économie (après avoir laissé un déficit budgétaire – record historique- de 5,6% du PIB) continue d’appeler à la réduction des dépenses publiques. Un récent rapport de I’Inspection générale de Finances4 scénarise le démantèlement de l’éducation nationale.

Professeur.e.s, agents, personnels du lycée Mounier, nous refusons de nous taire et de nous “faire balader” par des interloculeurs atones. Nous appelons l’ensemble de la communauté éducative à se donner les moyens de faire respecter le droit à l’éducation de tou.te.s les élèves.

Les personnels du Lycée MOUNIER (Grenoble)


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Dans l’agglomération lyonnaise, des enseignants et AESH de collèges, d’écoles, de lycée lancent un appel à se rencontrer, en lien avec des parents de la FCPE afin de décider d’une action face au manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH).

A noter qu’ en réponse à la mobilisation des enseignants d’un collège, l’ inspecteur d’académie DAASEN a déplacé un AESH d’un autre collège ! D’où l’importance d’une mobilisation collective.

On doit se rappeler que lors de sa conférence de presse de rentrée, la ministre démissionnaire Nicole Belloubet avait annoncé que 24 000 élèves lourdement handicapés allaient être accueillis dans un établissement scolaire ordinaire, faute de place en institut médico-éducatif (IME).

Depuis 2006, les effectifs d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont triplé.

La Cour des compte constate que nombreux élèves handicapés « connaissent des parcours discontinus ».

Elle souligne souligne aussi que le manque de places dans des instituts médico-éducatifs (IME) qui accueillent des enfants atteints d’un trouble du développement intellectuel conduit les établissements scolaires à « accueillir des élèves qui présentent des troubles face auxquels les intervenants éducatifs se sentent démunis ».

Mais pour la Cour, le problème ne serait pas lié à un manque de moyens. (cf. un article sur Public Sénat)

Ce volet de la politique d’inclusion scolaire est, dit-elle essentiellement porté par les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), dont les effectifs ont augmenté de 90 % en l’espace d’une décennie. Et les magistrats s’inquiètent ainsi de « la soutenabilité » de cette hausse considérable, « au regard des contraintes budgétaires actuelles et futures ». La masse salariale des AESH a en effet augmenté de 278 % entre 2013 et 2022, souligne le rapport.

Et pour la Cour, ce « recours massif à l’accompagnement humain » a des « effets discutables » (sic). Il peut même dans certains cas « constituer un obstacle à la prise d’autonomie » de l’élève en situation de handicap.

Les magistrats recommandent donc de « renforcer l’attractivité de la certification » des enseignants spécialisés, ou encore de mettre en place des formations « inter-métiers » entre accompagnants d’élèves et enseignants. Ces recommandations vont de pair avec les 70 mesures issues de la Conférence Nationale du Handicap, tenue par Macron le 28 avril 2023 (voir les informations dans l’article publié le 22 mai 2023)

Si pour l’instant le gouvernement a renoncé à fusionner les AED avec les AESH, à cette rentrée, le manque criant de personnel (AESH, AED, enseignants, infirmières...) "met en souffrance les enfants concerné.e.s, leurs familles, mais aussi les personnels et l’ensemble des élèves", ainsi que l’expriment les collègues d’E. Mounier à Grenoble.

Alors que le gouvernement annonce vouloir réaliser des économies drastiques dans le budget 2025 (lequel sera présenté le 7 octobre), tout doit être fait pour lier, coordonner, les mobilisations sur les revendications avec un combat unitaire, centralisé contre le budget du gouvernement Macron-Barnier.