LA SÉCURITÉ SOCIALE ATTAQUÉE DE TOUTES PARTS (2)

La Sécu : une conquête du mouvement ouvrier imposée à de Gaulle

La création de la Sécurité sociale est le résultat d’une longue lutte du mouvement ouvrier.

Rappelons simplement que si à la révolution française, les corporations sont supprimées, la bourgeoisie interdit aux travailleurs de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs au nom de la liberté économique, et de la liberté du travail. Avec la création des sociétés de secours mutuel [1], illégales puis tolérées, (contrôlées sous Napoléon III), les ouvriers rejettent l’assistance et la charité des églises ou du patron. Ils veulent organiser la solidarité et l’indépendance des travailleurs vis-à-vis des employeurs, et de l’État.

La Sécu a été imposée à de Gaulle et au patronat en 1945. C’est sous l’occupation, dès 1943, qu’un plan complet de Sécurité sociale a été élaboré par la CGT. Il prévoyait la couverture de tous les risques par un système unique géré par les seuls représentants des travailleurs. Ce plan fut repoussé par l’Assemblée consultative d’Alger et par de Gaulle. Si les textes de 1945 et de 1946 qui créent la Sécurité sociale obligatoire sont issus du compromis sur lequel s’est fondé le CNR [2], les principes fondamentaux, le financement par les cotisations sociales qui permet la solidarité entre les travailleurs sont maintenus.

Ainsi l’ordonnance Parodi de 1945 posait ainsi les bases d’un régime unique : un seul organisme (la Sécurité sociale), et une seule caisse par circonscription gérant tous les risques. Elle prévoyait la gratuité des soins (tiers payant), et la gestion par les seuls syndicats de travailleurs.

Mais dès le départ, ce régime unique a été combattu. À l’Assemblée, le MRP [3] (Mouvement républicain populaire, un parti démocrate-chrétien centriste) s’opposa à la caisse unique (s’y sont aussi opposé la CFTC, la Mutualité et les assurances sociales), et à la gratuité des soins…

De ce fait, l’ordonnance de 1945 et la loi de 1946 laissèrent provisoirement les régimes spécifiques subsister, tout en prévoyant leur intégration ultérieure dans le régime général avec un alignement par le haut de tous les régimes. En 1946, le PCF et la SFIO avaient pourtant la majorité à l’Assemblée et pouvaient sans attendre unifier les régimes. Puis la loi Morice de 1947 consacra l’indépendance des régimes particuliers : le provisoire devint définitif. En concédant aux mutuelles le droit de gérer des sections locales de Sécurité sociale tout en organisant une prévoyance complémentaire, elle contribua à l’éparpillement du système.

En dépit de ces limites, la Sécu est une conquête essentielle des travailleurs : elle limite l’exploitation et elle est liée à la construction des organisations ouvrières qui défendent les intérêts de classe des travailleurs.

La cotisation sociale ouvre des droits : « je cotise proportionnellement à mon salaire, je reçois (prestation) selon mes besoins » (cf. les prestations de l’Assurance maladie). La « cotisation sociale » n’est pas un impôt. La « part patronale » comme la « part salariale » de la cotisation sont une fraction du salaire qui est mutualisé et qui finance les prestations selon les besoins liés aux aléas : maladie, accident du travail, maternité, retraite….

Cette masse financière n’appartient ni au patronat, ni à l’État, mais aux seuls travailleurs. À la différence de la « charité » qui crée une dépendance (vis-à-vis de l’église, de l’entreprise, de l’État), la « cotisation sociale » organise une solidarité entre les travailleurs.

Aujourd’hui, sur les 600 milliards d’euros du budget de la Sécu, plus qu’un peu plus de 50% proviennent des cotisations sociales : et le patronat entend encore se les approprier !


Le système britannique beveridgien  : D’inspiration keynésienne, le rapport Beveridge reposait sur un objectif économique : doter l’économie britannique d’une main-d’œuvre en bonne santé et productive. Ce système vise à instaurer une protection minimale assurée par l’État, financée par l’impôt ; à charge de l’assuré de financer la différence. Il s’inscrit dans une logique assistancielle : fournir des prestations minimales, uniformes, les même pour tous. Ainsi, la perte de revenu est compensée sur une base uniforme et non proportionnelle (une sorte de minimum vital).

à lire : LA SÉCURITÉ SOCIALE ATTAQUÉE DE TOUTES PARTS :

Partie 1  : : Exonérations de cotisations patronales, TVA sociale, et la PSC
Partie 3 : La Protection sociale complémentaire : une avancée ? Non, un outil contre la Sécu
Partie 4 : POUR DÉFENDRE LA SÉCU : UNITÉ CONTRE LE BUDGET BAYROU, RUPTURE DES CONCERTATIONS !

Notes

[1En 1804, les ouvriers chapeliers de Lyon créent une « société de bienfaisance et de secours mutuels ». En 1808, une société identique est créée à Paris : en contrepartie d’une cotisation mensuelle de 2 francs (une journée de travail), les ouvriers malades, blessés reçoivent un secours journalier de 1,5 francs, et les vieillards un secours mensuel de 3 à 5 francs.

[2Le programme du Conseil National de la résistance ne fait qu’évoquer en une seule ligne un « plan complet de Sécurité sociale ».

[3En 1945, le PCF et la SFIO sont majoritaires à l’Assemblée, ils s’allient au MRP et élisent de Gaulle Président du gouvernement provisoire.