Dispositifs d’aide : entre inutilité et effets négatifs

La mise en place à la rentrée 2024, en 6e et 5e, des groupes de niveau en mathématiques et en français, ou “de besoin” selon les dénominations fluctuantes de la cohorte des ministres qui se sont succédés, constitue l’une des mesures des plus connues du dispositif “Choc des savoirs”. Les organisations syndicales de l’enseignement se sont, à juste titre, élevées contre cette organisation, pourtant reconduite par la ministre Borne à la rentrée 2025.

Dans le numéro du 30 avril 2024 de la revue POUR, la FSU avance des arguments en citant des études venues des sciences de l’éducation et du CNESCO (Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire). Elles énoncent que les groupes d’aide sont inefficaces et renforcent une ségrégation scolaire, le plus souvent décalque d’une ségrégation sociale qu’accompagne et renforce l’école. Ce qui nous intéresse en priorité, dans le cas des “classes de besoin”, ce ne sont pas les résultats concernant des groupes d’aide, mais la critique de l’efficacité de ce type de “classes de besoin”, en fait des classes de niveau constituées d’élèves en difficulté.

En France, il existe peu de recherches de niveau universitaire sur les classes de niveau au collège, alors qu’ont été menés quelques travaux sur les dispositifs d’aide individuelle. Cela tient au fait que depuis la réforme Haby, le collège est censé être unique… Ce qui n’empêche évidemment pas que, dans les faits, il y ait divers types de classes de niveau au collège. On dispose de quelques études, souvent menées par l’IREDU (Institut de Recherche en Éducation), qui les identifient et étudient la façon dont elles sont constituées. Comme l’indique A. Mazenod dans un article de référence sur les classes de niveau, paru dans la Revue Française de Pédagogie en 2021 et rédigé à partir d’études menées, et pour cause !… en Angleterre : “En comparaison, en France, les classes de niveau représentent un objet de recherche plus flou”.

Par ailleurs, se référer aux quelques études sur les groupes d’aide, ou aux observations d’enseignant·es dans les classes constituées d’élèves faibles, ne permet pas de déterminer les raisons de l’inefficacité des dispositifs d’aide, voire même de leurs effets négatifs. Beaucoup d’études montrent que les élèves d’une classe qui suivent une aide obtiennent des résultats inférieurs à ceux des élèves de cette même classe et de même niveau, qui ne l’ont pas suivie !

Des constats, mais pas leur explication

On pourrait, pour rechercher une réponse aux résultats de ces études sur les groupes d’aide, se pencher par exemple sur des documents du CNESCO cités dans POUR : par exemple, un dossier de synthèse sur les inégalités ou un autre sur la différenciation. La question de la mise en évidence des causes de l’établissement de rapports insatisfaisants, voire inexistants, d’élèves avec certains savoirs (mathématiques, français) reste patente, mais des recommandations sont néanmoins avancées. L’analyse qui les fonde se situe le plus souvent à l’extérieur de ce qui se passe effectivement dans les classes, pour privilégier des raisons de nature sociologique. Bien qu’elles ne soient pas sans intérêt – l’école est toujours celle d’une société qui détermine son organisation, ce qu’on y enseigne et, le plus souvent, comment – la compilation des analyses débouche sur des constats connus de longue date, partagés d’expérience par la majorité du corps enseignant.

Ainsi, “La recherche montre que les approches laissant trop de liberté aux élèves ne sont pas les plus efficaces notamment pour les élèves qui rencontrent le plus de difficultés scolaires” peut-on lire page 9 du document sur la différenciation. Ou encore “pour qu’un travail coopératif existe, la tâche réalisée par les élèves doit résulter d’un apport de chaque individu dans le collectif, dans le cadre d’une organisation structurée (explicitation des rôles de chacun), avec des responsabilités partagées”, page 10.

Le lecteur attentif de la revue Émancipation notera que ces deux points vont à l’encontre de certaines pratiques se revendiquant d’une pédagogie attribuée à Freinet, exposées dans un article d’ Émancipation n°1 de la rentrée 2024 (https://emancipation.fr/la-revue/nu... quelles-pratiques-pedagogiques-emancipatrices-dans-le-second-degre/), qui prônent l’autonomie individuelle d’élèves. La construction des œuvres et des savoirs, ainsi que leur apprentissage, sont pourtant des entreprises collectives. Cela est vrai à travers l’Histoire, bien que des foules de contributeurs anonymes disparaissent des mémoires derrière l’attribution de certains des savoirs ou des œuvres à des auteurs singuliers (Euclide, Darwin, Marx, Zola, Gauguin, Einstein, etc.) Cela est vrai aussi à l’école où les élèves apprennent au sein d’un collectif, la classe, et y apprennent ainsi d’autres élèves. L’idéologie actuelle du primat de l’individu veut faire oublier cette réalité.

Quel que soit le dispositif d’aide, son échec est connu de longue date

L’IREDU de l’Université de Dijon a commencé à produire, il y a une trentaine d’années, des évaluations de certains dispositifs d’aide. Ainsi par exemple, et pour l’école primaire, des GAPP (Groupes d’Aide Psycho-Pédagogique). Créés en 1970, ils ont donné lieu à une évaluation tardive, en 1991, après leur remplacement par les RASED (Réseaux d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté). Deux chercheurs de l’IREDU relevaient dans le n° 49 des Cahiers de l’IREDU de 1991 “[…] les élèves qui ont bénéficié d’actions de rééducation ont des performances moindres que les élèves de caractéristiques semblables qui n’en ont pas bénéficié”.

Quelques années plus tard, en 2001 et à propos d’un tout autre dispositif, celui de l’aide individualisée en classe de seconde, mise en place à l’occasion de la réforme du lycée de 1999, un même constat est publié dans la revue Éducation Et Formations n° 60 par une autre équipe de l’IREDU. L’aide est proposée à un groupe de huit élèves au maximum, en principe volontaires, à raison d’une heure hebdomadaire en mathématiques et d’une heure hebdomadaire en français, par le professeur de la classe ou non. Les auteurs de l’évaluation concluent que si les acteurs, et surtout les enseignants, expriment une certaine satisfaction, les résultats sont très décevants. Le fait d’avoir suivi l’aide individualisée en seconde n’améliore pas les résultats scolaires des élèves ; au mieux ce dispositif ne sert à rien.

Deux graphiques, un pour le français et l’autre pour les mathématiques, délivrent une information plus inquiétante : du point de vue des résultats, surtout en français, il vaut mieux que les élèves ne suivent pas ce dispositif car ils obtiennent de moins bons résultats que d’autres de même niveau faible. En effet, au long des 31 séances d’aide de l’année, les résultats des élèves qui la suivent sont comparés à ceux d’élèves qui ne la suivent pas, mais pourtant de même niveau de départ. Au cours des séances de français, le déficit de niveau des élèves en aide ne cesse de s’accroître par rapport à ceux et celles qui ne la suivent pas. À l’issue des 31 séances, ce déficit est d’environ 3,5 points par rapport à ceux de même niveau de départ qui ne l’ont pas suivie. En mathématiques, ce n’est guère qu’à partir de la 29e séance que les élèves en aide rattrapent ceux et celles de même niveau initial qui ne la suivent pas, pour terminer avec un avantage d’un point.

Des résultats analogues sont obtenus ailleurs qu’en France sur un autre dispositif ; c’est le cas en Angleterre des teaching assistants. Ils assument, entre autres tâches, un rôle de répétiteur auprès d’élèves en difficulté : sur instructions des professeur·es, iels prennent ces élèves en petit groupe, ou individuellement, pendant les heures de classe pour les faire travailler. Une enquête menée par l’Institute of Education de l’Université de Londres, a porté sur 20 000 tests passés par 8 000 élèves dans 153 écoles primaires et secondaires d’Angleterre et du Pays de Galles. Ses conclusions sont publiées en septembre 2009 dans le British Educational Research Journal. Elles débouchent sur des résultats semblables à ceux de l’IREDU sur l’aide individualisée. Si la présence de ces teaching assistants (TA) a amélioré l’ambiance dans les établissements et dans les classes, si deux professeur·es sur trois estiment que leur stress a diminué depuis leur arrivée, elles montrent que “plus un élève est suivi par un TA moins il progresse” ! De même a été mesuré l’écart en points entre ceux et celles qui suivent les TA et les autres : entre 1,5 et 2 en anglais, et 1 en mathématiques et sciences, l’écart étant toujours en défaveur des plus aidé·es.

Quels que soient les dispositifs, voire les pays où ils sont évalués, la conclusion semble toujours la même. Au mieux l’aide ne sert à rien, au pire elle défavorise ceux et celles des élèves qui… “en bénéficient” ! Si les études statistiques convergent pour mesurer l’échec des dispositifs d’aide, des plus anciennes de l’IREDU à celles sur lesquelles s’appuient le CNESCO, elles peinent à l’expliquer. Comprendre les causes profondes des effets délétères des divers dispositifs d’aide, nécessite de les rechercher au sein des classes. Plus précisément, à partir des modalités en vigueur lorsqu’une personne ou une institution donnée portent l’intention d’enseigner quelque chose à d’autres qui l’ignorent encore. Ce qui est la situation d’un professeur devant enseigner à des élèves.

Toute relation didactique est une relation contractuelle

À plusieurs reprises par le passé, et avec d’autres, j’ai dû enseigner à des professeur·es et à des étudiant·es le fait contre-intuitif de l’inefficacité des dispositifs institutionnels d’aide, qu’ils pouvaient provoquer l’inverse de l’effet escompté, et les raisons de cela. Aussi, les idées et les propos qui suivent sont-ils en partie repris de conférences et d’articles rédigés avec mes collègues Annie et Robert Noirfalise.

Pour expliquer l’inefficacité de l’aide, voire son impact négatif, il est nécessaire de garder présent à l’esprit que toute relation d’enseignement d’un contenu de savoir nouveau, ou d’aide à l’étude d’un contenu antérieurement enseigné, est prise dans un système d’attentes réciproques. On l’a désigné du terme de “contrat didactique” dès les travaux pionniers de ce domaine, dans les années 1970. Le savoir, quel qu’il soit, est l’objet de la transaction qui fonde cette relation. Le contrat didactique est la partie de la relation liant le professeur·e et les élèves, qui détermine ce que chaque partenaire a la responsabilité de gérer en ce qui concerne le savoir. Les clauses de ce contrat sont explicites pour une petite part, mais surtout grandement implicites ; ce qui explique en partie l’ignorance de son existence par de nombreuses personnes parlant sur l’enseignement. Les recherches ont mis en évidence un certain nombre de règles propres au contrat didactique. L’énoncé de trois d’entre elles suffit pour expliquer les effets délétères des dispositifs d’aide.

La règle R1 porte sur la responsabilité du professeur : Le professeur est supposé créer des conditions suffisantes pour l’appropriation des connaissances par les élèves et reconnaître cette appropriation quand elle se produit. La règle R2 engage la responsabilité des élèves : Les élèves sont supposés satisfaire ces conditions. La règle R3 énonce que : La relation didactique doit continuer coûte que coûte.

Aide à quelques élèves ou classe “de besoin” : mêmes causes, mêmes effets

Classes “de besoin”, élèves de niveau faible

Que l’aide s’adresse à quelques élèves d’une classe ou qu’elle s’adresse à une classe entière, comme c’est le cas des classes “de besoin ”, le respect des règles énoncées ci-dessus conduit au même résultat. L’expérience des classes de niveau faible, telles qu’elles existent à l’intérieur d’établissements scolaires, en REP ou pas, a empiriquement montré que les élèves qui s’y trouvent, sauf exception marginale, restent des élèves aux résultats faibles. La raison tient au respect de R3. Ne pas la respecter signe l’impossibilité d’enseigner ; ce qui peut être le cas dans certaines classes. Mais dans la majorité des cas où l’on souhaite instaurer une relation d’enseignement et d’apprentissage, un implicite conduit élèves et professeur·e à rechercher à la satisfaire. Un processus de négociation sur les contenus de savoir commence alors. En effet, d’après la règle R1 le rôle du professeur·e consiste aussi à reconnaître si l’appropriation des connaissances par les élèves a, ou non, eu lieu : c’est l’évaluation, sous toutes ses formes. Que les évaluations sommatives passées par les élèves soient trop difficiles, et iels déclareront qu’avec ce professeur·e ce n’est pas la peine de faire l’effort d’apprendre ; c’est toujours trop dur. Qu’elles soient trop faciles, et les élèves penseront aussi que ce n’est pas la peine de faire l’effort d’apprendre, car obtenir la moyenne est assuré à coup sûr ; c’est toujours trop facile ! L’un des signes visibles de négociation sur les contenus de savoir est la question rituelle adressée par les élèves au professeur : “Et ça, on l’aura à l’interro ?”

De l’autre côté, le/la professeur·e ne s’autorise pas de lui ou elle-même, mais est lié contractuellement à d’autres – l’institution scolaire, les parents, la société – à enseigner des savoirs définis par un programme : les élèves doivent savoir lire, résoudre des équations, connaître et appliquer la règle de for, since et ago, situer le Fleuve jaune sur une carte, etc. La négociation menée dans une classe entre professeur·e et élèves, en grande partie implicite, aboutit généralement, dans une classe faible, à une accentuation de la baisse des exigences sur les contenus de savoir. Il n’est alors pas difficile de prévoir que les élèves des classes “de besoin”, en fait des classes d’élèves en difficulté, rencontreront, par rapport à ceux et celles maintenu·es dans une classe hétérogène, une situation de baisse de résultats dans les deux disciplines concernées. Même si le sentiment de stigmatisation ne l’emporte pas… et que quelques effets positifs, comme une baisse du stress, un climat plus serein, relevés dans les analyses antérieurement menées, sont observés.

Les groupes d’élèves

Lors d’un dispositif d’aide destiné à quelques élèves, après que l’enseignement a eu lieu, la règle R1, relative à la création par le/la professeur·e des conditions suffisantes pour l’appropriation des connaissances par les élèves, a été satisfaite. En effet, en désignant les quelques élèves qui doivent suivre l’aide, le/la professeur·e indique a contrario que les élèves non désigné·es ne sont pas déclaré·es en échec, et qu’avec eux la règle R1 est satisfaite.

La non-satisfaction de la règle R2 entre donc en vigueur pour les élèves à qui l’aide est proposée : iels ne satisfont pas aux conditions d’appropriation des connaissances auxquelles satisfait le reste de la classe. En mettant en place l’aide, l’institution crée un nouveau dispositif au sein duquel s’applique de nouveau la règle R1, relative à la responsabilité de l’enseignant·e pour créer des conditions nouvelles et spécialement adaptées à ce public d’élèves, afin qu’ils s’approprient les connaissances qu’iels n’ont pu acquérir dans le cours de la classe. Il y a ainsi transfert vers le/la professeur·e de la responsabilité qui incombait jusqu’alors aux élèves. Les élèves sont déchargé·es de leur responsabilité d’étudier, pourtant stipulé par la règle R2 : iels ne peuvent apprendre.

Dans la plupart des cas, le/la professeur·e est démuni·e de techniques appropriées, pourtant supposées devoir être mises en œuvre au sein du dispositif d’aide.

Élisabeth Borne en déplacement à Nogent-le-Rotrou.

Soit iel reproduit les formes didactiques à travers lesquelles iel engage les élèves à respecter la règle R2, mais qu’iel assume alors en partie seul·e : c’est-à-dire essentiellement les entraîner par la recherche des exercices qu’iel leur donne et corrige immédiatement pour respecter R3. Soit, toujours pour respecter R3, iel use de divers glissements, de métaphores à l’efficacité douteuse : insistance sur la lecture des consignes, coups de pouce, réponse soufflée et faussement attribuée à l’élève, exercices à trous ou à questions enchaînées qui conduisent sans qu’iels s’en aperçoivent les élèves vers la réponse attendue, usage de couleurs distinctes ou de divers autres artifices dont l’impact en termes d’apprentissages est loin d’être assuré.

Des dispositifs expérimentaux et la difficulté de l’aide aux élèves en difficulté

Des dispositifs expérimentaux d’aide aux élèves en difficulté sont testés au niveau de la recherche. Il s’agit d’engager de nouveau la responsabilité des élèves dans l’étude, c’est-à-dire de faire en sorte qu’iels satisfassent de nouveau la règle R2. Ces dispositifs s’insèrent dans une temporalité propre à l’enseignement d’un savoir. Ils se placent en amont de l’enseignement à venir ; et non pas en aval, comme dans le cas des dispositifs dits “de remédiation”, dont toutes les études ont montré l’inefficacité, et le paragraphe qui précède la raison.

Dans l’organisation de l’école dont nous avons hérité depuis Comenius et Descartes, et contrairement à l’école médiévale ou aux formations doctorales, le savoir à enseigner, quel qu’il soit, est organisé d’une manière censée être progressive. L’organisation des cursus scolaires en différents niveaux, du CP à la Terminale, est soumise à des programmes que l’on veut adaptés à l’âge et à la difficulté. Penser aller de la sorte du simple au complexe est la signature de cette vision, dominante et soi-disant “de bon sens”, qui voudrait que, de cette façon, l’enseignement soit en adéquation, quand ce n’est pas synchrone avec un supposé linéaire apprentissage des élèves. L’apprentissage est pourtant fait d’après-coups, de réorganisations de son propre univers de connaissances.

L’un des dispositifs expérimentaux testés dans les classes accompagne les élèves en difficulté lors des transitions didactiques. Suivant l’organisation progressive en vigueur à l’école, les contenus dont l’enseignement est programmé supposent le plus souvent un appui sur des savoirs antérieurement enseignés ; d’où des transitions au passage d’un thème à l’autre. On sait que la fragilité des connaissances de certains élèves à propos de ces savoirs antérieurs compromettra, presque à coup sûr, l’apprentissage du nouveau. Dans ce dispositif, au professeur·e et avant enseignement incombe la responsabilité d’évaluer le rapport des élèves à ces savoirs anciens, soit donc de satisfaire R1, et de proposer aux élèves un petit travail visant une remise à niveau. Il s’agit donc de les engager de nouveau à satisfaire R2 sur des connaissances anciennes dont dispose le reste de la classe qui les attend. Au bout d’un temps estimé par le/la professeur·e, que les élèves à qui est proposé ce travail de remise à niveau s’y soient engagé·es ou non, l’enseignement programmé reprend, satisfaisant la clause R3.

Un autre dispositif consiste à faire prendre “un peu d’avance” aux élèves en difficulté en leur faisant rencontrer par anticipation une petite partie de ce qui va être enseigné, sans trop en dévoiler. Par exemple en leur faisant rencontrer un peu de l’univers des questions à l’origine de ce qui sera ultérieurement enseigné en classe, et en leur faisant construire quelques éléments de réponse ; soit donc en les engageant dès maintenant dans R2 et en leur facilitant un engagement à venir dans R2 lorsqu’iels se retrouveront en classe entière.

La conception de ces deux dispositifs demande aux professeur·es des connaissances qui font actuellement défaut à la profession. Elles portent sur la possibilité d’analyses a priori et a posteriori, tant pour ce qui concerne l’organisation du savoir que pour la fonction attribuée aux élèves lors de son étude. Un tel travail nécessite qu’un collectif le mène à bien. La multitude des tâches professionnelles que doit accomplir un·e enseignant·e singulier dépasse les capacités temporelles disponibles pour une seule personne.

À travers ces deux exemples transparaît la nécessité d’une formation initiale, et surtout d’une formation continue qui, actuellement, manque grandement au métier d’enseignant. La mise en place des classes de niveau au collège contribuera à l’accentuation des difficultés des élèves qui s’y trouvent, à des connaissances plus faibles que celles de leurs camarades restés dans des classes hétérogènes. La négociation sur les savoirs dans des classes faibles se fait en effet toujours à la baisse pour que la relation didactique puisse se poursuivre (règle R3). Le principe des classes de niveau s’inscrit dans une organisation générale visant un “moins d’école” et davantage d’inégalités ; notamment en ôtant à certain·es futur·es citoyen·nes la mise à disposition de savoirs en tant qu’outils pour penser. L’organisation du collège, à travers le bien mal nommé “Choc des savoirs”, tourne le dos à “la formation d’esprits libres et éclairés” selon le vœu de Condorcet, qui défendait aussi le principe d’une éducation permanente.

Yves Matheron

  • article paru dans la revue L’Émancipation syndicale et pédagogique, février 2025

Pour aller plus loin

Matheron, Y. & Noirfalise, R. (2002), L’Aide Individualisée : entre système didactique auxiliaire inutile et déficit d’analyse didactique entravant son efficacité et son développement, Petit x n° 60, Université Joseph Fourier et IREM de Grenoble, p. 60-82.

Mazenod, A. (2021), Classes de niveau : variations internationales dans les regroupements d’élèves et la constitution de classes au collège, Revue Française de Pédagogie n° 212, p. 92-108.