Rentrée Blanquer (4) Direction d’école : une "fonction" contre le statut de professeur des écoles

Depuis nombre d’années les gouvernements successifs cherchent à attribuer aux directeurs d’école un statut de supérieur hiérarchique. Profitant de la crise sanitaire, le gouvernement revient à la charge avec le nouveau projet de loi déposé par la députée LREM Cécile Rihac [1].

Derrière le carcan du protocole sanitaire…

Aujourd’hui encore, la majorité des professeurs d’école y compris ceux qui sont chargés de direction veulent sauvegarder leur liberté pédagogique ; ils se sont prononcés clairement contre la hiérarchisation du métier et la création d’un statut de directeur.

Or, soumis à de multiples injonctions, les directeurs d’écoles croulent de plus en plus sous le travail administratif qui mobilise la majeure partie de leur temps. Avec le "confinement" et la "continuité pédagogique" de Blanquer, puis avec le "déconfinement" et le retour à l’école dans la cadre d’un protocole sanitaire drastique, les tâches et les responsabilités de tout ordre se sont encore accrues. Sans moyens humains supplémentaires, et avec le blocage des salaires (du point d’indice) maintenu.

Alors que le ministère sous-traite la réouverture des écoles aux municipalités qui mettent en place leurs propres dispositifs, les directions d’écoles sont priées d’élaborer des schémas locaux de réouverture des écoles, tout en appliquant "un protocole inapplicable". En leur demandant, sous couvert de sécurité sanitaire, d’organiser le retour des élèves à l’école, l’emploi du temps et le travail des enseignants…, le ministre cherche à leur imposer de piloter une équipe en "mode projet".

Alors que le gouvernement a été incapable de maitriser l’épidémie, derrière le carcan du protocole sanitaire, se profilent les objectifs de Macron. "Expérimenter" pour imposer de nouvelles fonctions aux directeurs d’écoles et transformer le métier des enseignants.

…de nouvelles fonctions de direction d’école

En 2019, Cécile Rilhac, proche de Blanquer, avait introduit dans le projet de loi “pour une école de la confiance", un amendement permettant de confier la direction d’école au chef d’établissement du collège du secteur. Face à la mobilisation, Blanquer a manœuvré : il a retiré l’amendement Rilhac qui prévoyait aussi de regrouper les classes du premier degré et du premier cycle du second degré dans les EPSF (établissements publics des savoirs fondamentaux), avec un directeur-adjoint exerçant les compétences de directeur d’école.

Échaudée, aujourd’hui, elle ne propose pas, à proprement parler, de “statut” de directeur, mais elle crée une “fonction” de direction d’école.

La direction d’école ne relèverait plus de l’autorité de l’IEN. Choisie sur une liste d’aptitude et nommée par l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale, elle serait “délégataire de l’autorité académique”.

L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de donner aux directions d’école “un cadre juridique leur permettant d’asseoir leur légitimité – cette légitimité qui leur fait défaut".

Cela donnerait, de fait, à la direction d’école une autorité hiérarchique sur les professeurs d’écoles.

D’instance auparavant décisoire, le conseil des maîtres serait réduit à un rôle consultatif : “le directeur est décisionnaire lors des débats qu’il organise pour assurer le bon fonctionnement de l’école sur le plan pédagogique comme sur celui de la vie de l’école. [...] il anime le conseil des maîtres, le consulte et l’associe pour organiser la répartition des services, la composition des classes et l’affectation des élèves” (art.1).

Cette pression hiérarchique permettrait d’imposer la transformation du métier, le "travail d’équipe" et l’évaluation des “équipes” selon leur capacité à mettre en œuvre les réformes

Piloter le projet d’école…

Le projet renforce les pouvoirs du Conseil d’école : le directeur sera chargé d’“entériner les décisions” prises“, de “les mettre en œuvre”. C’est une profonde mise en cause de l’indépendance et de la liberté pédagogique des enseignants qui seront fortement soumis aux pouvoirs locaux (collectivités, parents…).

…le temps scolaire et périscolaire

La direction d’école cumulerait "la responsabilité de l’organisation du temps périscolaire confiée par la commune ou le groupement de communes dont relève l’école dans le cadre d’une contractualisation entre la collectivité territoriale et l’administration de l’éducation nationale” (Art.4). Et la commune pourrait “mettre à sa disposition une aide de conciergerie ou administrative”.

Ce sont là autant de mesures qui, avec l’expérimentation des 2S2C, engageraient une marche rapide à la municipalisation de l’école. Il y a urgence que se réalise l’unité pour le retrait de ce projet de loi.


- Lire tous les articles de la Lettre d’Émancipation (Lyon-69) de mai 2020 :
UNITÉ POUR S’OPPOSER À "L’ÉCOLE DE DEMAIN" DE MACRON - BLANQUER