CA académique du SNES de Lyon : Pour faire face au "changement systémique" annoncé par Blanquer, quelle orientation en défense du métier, du statut ?
Ci-dessous les interventions des représentants Émancipation à la CA académique du SNES de Lyon du 9 septembre. (1re partie)
Le syndicat critique, à juste titre, le « plan de relance de 100 milliards d’euros » de Macron en ce qu’il donne « encore une fois des gages au patronat », « refuse d’investir dans le service public ». Mais le texte de la direction académique se tait
sur la nouvelle offensive engagée par Macron et Blanquer contre l’Enseignement public et le statut des personnels enseignants.
Il n’est pas vrai que Blanquer « n’a absolument pas préparé cette rentrée » (affirmation qui revient en boucle dans toute la presse syndicale). Blanquer a préparé sa rentrée au regard d’objectifs très cohérents. Si le manque de moyens matériels et humains est criant, cela participe d’une politique clairement affirmée tous les jours : « Nous allons maintenir le cap des réformes » [1] . Et pour qui sait lire (or, en général, les militants syndicaux que nous sommes savent décrypter la novlangue officielle), ce qui est annoncé, c’est : « massacre à la tronçonneuse ».
Macron et Blanquer annoncent « maintenir le cap des réformes »
Blanquer veut « une école au service des territoires ». C’est-à-dire accroître l’autonomie des écoles et établissements, en continuité de ce qui est déjà mis en place (80 cités éducatives, plan mercredi, conventions 2S2C), qui mêle temps scolaire et périscolaire, et qui tend à sortir certaines disciplines du périmètre scolaire en les confiant aux collectivités locales, voire à des opérateurs privés. Et il multiplie les expérimentations en ce sens.
Il va lancer un appel à manifestation d’intérêt à destination des lycées pour créer des « établissements de service » au bénéfice des territoires locaux (centre de formation, centre d’orientation, de lutte contre le décrochage scolaire, antenne du SNU, centres de formation…). Ces lycées seront un point d’appui pour une gestion des ressources humaines (GRH) de proximité et pour l’éclatement du cadre national.
Alors que le « distanciel » creuse les inégalités, Blanquer annonce des états généraux du numérique afin d’ancrer le numérique à l’école et de développer « l’enseignement hybride » [2] , confiant ainsi tout un pan de missions de l’EN aux entreprises privées.
L’autonomie renforcée conduit à l’explosion du cadre national de l’enseignement public et à sa « vente à la découpe » pour reprendre l’expression de Rodrigo Arenas, coprésident de la FCPE.
« Les réformes, cela ne peut marcher que par le dialogue » affirmait Macron, le 3 juillet. Blanquer poursuit donc les concertations tout azimut et en engage de nouvelles : « groupes de travail », « états généraux du numérique », « Grenelle des professeurs »…
Motion Émancipation : les enjeux des états généraux du numérique
La gestion calamiteuse de l’épidémie de Covid-19 par le gouvernement Macron, la dégradation du système de santé induit par les contre-réformes successives, ont laissé des milliers de personnes malades sans soin (soumises à l’injonction : « Restez chez vous »). Le confinement et la fermeture des écoles ont contraint les enseignants à assurer au mieux le lien avec leurs élèves.
Aujourd’hui, alors que le gouvernement refuse la création des postes nécessaires dans le second degré, alors que les effectifs par classe explosent, les personnels sont soumis à de nouvelles injonctions et contraints de travailler dans des conditions délétères. Blanquer considère qu’il y a là une « opportunité » pour développer l’enseignement « hybride ».
Il voit dans l’enseignement hybride « la possibilité de s’affranchir des contraintes de temps et de lieux » (sources importantes d’économies, de postes, de locaux…), d’imposer le « changement systémique » du métier, de disloquer les garanties statutaires (conforme au programme de Macron qui veut une « société sans statuts »), de soumettre plus encore les personnels aux pouvoirs locaux tout en externalisant des pans entiers d’enseignement aux entreprises privées de l’EdTech.
Blanquer entend prendre appui sur les états généraux du numérique (dans chaque académie, puis à Poitiers les 4 et 5 novembre) pour avancer dans « la deuxième étape des réformes » du quinquennat Macron.
Sans refuser, par principe, les outils numériques, combattre l’actuel processus de destruction de l’Enseignement Public implique que le syndicat appelle clairement au boycott des états généraux du numérique de Blanquer (à l’échelle académique et nationale). La CA académique du SNES de Lyon demande à la direction nationale du SNES et de la FSU de prendre position en ce sens.
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Vote : Pour 2 ; Contre : 17 ; abt : 0 ; NPPV : 3 (la direction académique/U&A a appelé à voter contre ; l’École Émancipée/ÉÉ n’a pas voté cette motion)
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Une GRH de proximité pour détruire la métier et le statut
Pour les élèves, Blanquer veut « que chacun aille vers son excellence, l’excellence de chacun étant différente de celle du voisin ». Tous les élèves n’auraient donc pas besoin d’acquérir les mêmes savoirs. Classes surchargées, enseignement « hybride », 2S2C, séquences numériques… Peu lui importe puisque chaque élève doit construire SON parcours… Avec à la clé l’explosion des inégalités, la liquidation de toute valeur nationale des diplômes.
Et pour les professeurs, « le chantier de la seconde partie du quinquennat » c’est, dit Blanquer, la « GRH de proximité ». La « personnalisation des parcours » devient « une très grande priorité ». « L’enjeu de cette transformation est capital ». « Il faut lutter contre l’immobilisme ».
Avec l’autonomie pédagogique se profile le libre recrutement, par le chef d’établissement, sur poste à profil. Appuyé sur le maintien du blocage du point d’indice, lequel unifie les personnels. Blanquer veut négocier des primes ou indemnités diverses, distribuées au « mérite », tout en maintenant la masse salariale au plus bas. Cela permet de diviser encore plus les collègues et d’imposer des contreparties.
L’augmentation du point d’indice concerne tous les collègues, tous les fonctionnaires : c’est la seule mesure qui n’appelle aucune contrepartie.
Avec le Ségur de la santé, le salaire des infirmiers reste 10% inférieur au salaire moyen européen, alors que les soignants demandaient, entre autre, 300€ pour tous. Et le tout s’accompagne de nouvelles attaques : « assouplissement » des 35h, création à l’hôpital d’un corps de sous-médecin, etc. Les plans d’économies, fermetures de lits sont maintenus. Les démissions de médecins et d’infirmiers se multiplient (comme à Grenoble…).
Dans l’enseignement, le Grenelle va diviser les personnels avec quelques carottes ; l’objectif, le non dit, étant d’achever notre statut de fonctionnaire, de recruter de plus en plus de contractuels. Avec la politique d’autonomisation des établissements et le renforcement des pouvoirs du chef d’établissement, se profilent d’importantes attaques contre les garanties statutaires (soumission aux règles pédagogiques officielles, enseignement hybride, contrôles hiérarchiques, nouvelles charges de travail…).
Motion Émancipation : Aucune participation au Grenelle des professeurs
Le 30 août, Blanquer a annoncé l’ouverture d’un « Grenelle des professeurs ». Le 8 septembre devant la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale il a précisé qu’il s’agit de la deuxième étape des réformes de l’Enseignement du mandat présidentiel. Après les « réformes pédagogiques », la « transformation des ressources humaines de l’Éducation nationale ».
Ce qu’il nomme « revalorisation du métier » est, dit-il, « une réforme très importante » induisant un « changement systémique » du métier. L’objectif principal est une « transformation profonde du système éducatif » et une « gestion des ressources humaines de proximité ».
Blanquer prévoit pour cela « des discussions très approfondies » et les thématiques des groupes de travail prévus (« reconnaissance financière », « coopération », « ouverture ») ne laissent aucun doute sur la volonté du ministère d’imposer des contreparties à une revalorisation très limitée.
Il reprend l’objectif maintes fois affiché par le gouvernement de « transformer en profondeur le métier d’enseignant », dans le cadre de la réforme des retraites. D’abord par E. Macron (le 3/10/19 à Rodez), puis par E. Philippe (le 11/12/19) et enfin en février 2020 dans le cadre de scénarios soumis aux organisations syndicales.
La CA académique du SNES de Lyon considère qu’une véritable revalorisation commencerait par le dégel immédiat et pérenne du point d’indice et le rattrapage du pouvoir d’achat perdu, ce que nous demandons et que le gouvernement exclut. Elle estime que le « Grenelle des professeurs » ne peut mener qu’à la remise en cause du statut des enseignants.
Dans ces conditions, la CA considère que le « Grenelle des professeurs » se situe aux antipodes des revendications des personnels, et que le gouvernement cherche à associer les syndicats pour parvenir à ses fins.
C’est pourquoi la CA académique du SNES demande à la direction nationale du SNES et de la FSU de refuser de participer au « Grenelle des professeurs » et de lancer une vaste campagne d’informations auprès des personnels.
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Vote : Pour 2 ; Contre : 16 ; abt : 0 ; NPPV : 4 (la direction académique/U&A a appelé à voter contre ; l’École Émancipée/ÉÉ n’a pas voté cette motion)
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dessin : BD Martine au lycée, Jef Klak
Le texte de la direction académique ICI